Les médias alle­mands por­tent aujour­d’hui  Erdo­gan six pieds sous terre.

Ils don­nent une large place à l’attentat d’Ankara et pub­lient des analy­ses géopoli­tiques très détail­lées, ce qui change du dis­cours con­venu sur les ter­ror­ismes ici.

Le fait que les coupables des attaques des dernières années, notam­ment celle de Diyarbakir ( deux jours avant les élec­tions de cette année) lors du meet­ing élec­toral du HDP et celle de Suruç le 20 juil­let dernier, n’aient jamais été sérieuse­ment recher­chés et trou­vés fait l’ob­jet de ques­tion­nements insis­tants. Des rap­pels impor­tants pour cette non élu­ci­da­tion ne sont pas ignorés.

On sait que con­join­te­ment le  CHP et HDP avaient voulu apporter le sujet à l’Assemblée Nationale deman­dant l’ouverture d’une enquête et exigeant la mise en place d’une com­mis­sion ad hoc. Cette enquête avait été volon­taire­ment étouf­fée, la demande ayant été refusée avec les votes de l’AKP et le MHP. Et Erdo­gan n’a jamais tenu ses promess­es sur l’éclaircissement de ces attaques ni mis d’acharne­ment à trou­ver les respon­s­ables. Pour Suruç, une arresta­tion a même été annon­cée alors que le corps du “ter­ror­iste” avait été mis en pièces.

Les médias alle­mands pointent égale­ment le fait que les atten­tats et la répres­sion visent par­ti­c­ulière­ment et essen­tielle­ment les mil­i­tants, les asso­ci­a­tions de société civile et les poli­tiques de gauche turques autant que kur­des. L’u­til­i­sa­tion de la “guerre” soit dis­ant con­tre le ter­ror­isme con­tre la société civile turque pour le main­tien d’un pou­voir, est mise en évidence.

Le com­porte­ment des lead­ers européens qui ont déroulé le tapis rouge devant Erdo­gan est égale­ment con­sid­éré comme « hon­teux » et poli­tique­ment « irresponsable »

L’UE avait déclaré la Turquie comme « pays clé » con­cer­nant l’afflux des réfugiés syriens et la semaine dernière les min­istres d’intérieur et des affaires étrangères des pays de l’UE s’étaient réu­nis pour dis­cuter sur « le classe­ment de la Turquie comme  pays sécurisé ». Il s’ag­it tou­jours “d’ex­ter­nalis­er” le “traite­ment” des réfugiés, obses­sion de l’UE.

L’in­ter­pré­ta­tion de cette démarche est faite par cer­tains médias alle­mands comme “Serait-ce un plan afin de refouler les réfugiés qui vien­nent de Turquie même, ou qui tra­versent la Turquie pour venir en Europe, et les retenir dans les camps qui seront instal­lés là bas ?”. Il y actuelle­ment 2,5millions de réfugiés en Turquie, dont une infime par­tie se trou­ve dans les 22 camps instal­lés dans divers­es villes. voir nos arti­cles.…

Tous ques­tion­nements utiles et indis­pens­ables pour com­pren­dre pourquoi plus de 100 morts à Ankara ne valent pas un Charlie.

Les car­i­ca­tur­istes alle­mands s’en sont don­nés à coeur joie pour pren­dre la plume, sur les deux sujets (Erdo­gan et les Réfugiés)

Le pays de sécurité

Barm Bergen
Le pays de sécurité

Barm Bergen Le procureur - "Alors ?" Le policier - "Nous n’avons pas trouvé d’empreintes digitales"

Barm Bergen
Le pro­cureur — “Alors ?”
Le polici­er — “Nous n’avons pas trou­vé d’empreintes digitales”

Mar­i­an Kamin­s­ki dont les car­i­ca­tures sont régulière­ment pub­liées dans Die Zeit, Der Spiegel, voit vis­i­ble­ment Erdo­gan comme un leader colérique, belliqueux  capa­ble d’aller jusqu’à détru­ire toute ten­ta­tive de paix. Pau­vre colombe…

Kamensky

Mar­i­an Kaminski

Klaus Stunt­man un des maîtres du dessin poli­tique, pub­lié régulière­ment dans Tagesspiegel inter­prète l’attentat d’Ankara et fait l’allusion au fait qu’Erdogan instru­men­tal­isé la paix pour les élections.

Klaus Stuntman

Klaus Stunt­man

Kostas Koufo­gior­gos, artiste de Stuttgart, des­sine Erdo­gan au volant d’un TOMA (canon à eau) de police. Car­ré­ment… Il dit, « Moi ? une bombe ? » et « ce n’est pas mon style » con­tin­ue-t-il tout en con­tin­u­ant d’asperger l’eau.

Kostas Koufogiorgos

Kostas Koufo­gior­gos
“Moi ? une bombe ?.… ce n’est pas mon style…” 

Ras­surez-vous, nous ne sommes pas tombé d’un coup amoureux des médias alle­mands. Et d’ailleurs timide­ment la “presse” française com­mence à sor­tir de ses mis­es en boucle pour abor­der aus­si quelques réflex­ions, tan­dis que les chaînes d’in­fos elles, ont déjà tourné la page.

Nous pou­vons aus­si com­pren­dre que la com­mu­nauté turque en Alle­magne, et sa com­posante kurde, occu­pent une place dif­férente et que quels que soient les ques­tion­nements poli­tiques qui les tra­versent, con­stituent un “coeur de cible” médi­a­tique. Les posi­tion­nements pop­u­laires, qui avait amené la chancelière à épouser un temps la courbe des mobil­i­sa­tions sur “l’ac­cueil des réfugiés” et à en saisir l’op­por­tu­nité économique y sont aus­si pour quelque chose.

L’Alle­magne ne s’est pas non plus engagée autant aux côtés d’Er­do­gan que le gou­verne­ment français, et lorsqu’elle l’a fait ne s’en est pas van­tée. Il n’est donc pas éton­nant que cer­tains médias puis­sent plus facile­ment s’af­franchir du tryp­tique “ter­ror­isme, unité nationale, géo poli­tique en conséquence”.

Alors que la plu­part des médias français ont à peine souligné les déc­la­ra­tions immon­des d’Er­do­gan à Stras­bourg et qu’ils sont en immense majorité sur la ligne du “sou­tien à une sta­bil­ité dans la région” et donc une céc­ité volon­taire sur les agisse­ments du gou­ven­e­ment turc, on ne peut guère atten­dre autre chose qu’un ques­tion­nement con­venu sur “les respon­s­ables ter­ror­istes de l’at­ten­tat”, exclu­ant les ques­tion­nements gênants. On ne peut pas dire non plus qu’ils y soient poussés par une opin­ion publique, ni par les com­posantes poli­tiques occupées ailleurs.

Comme dans les années 90, alors que Mit­ter­rand dis­ait “nos amis Serbes”, le dis­cours prési­den­tiel français serait plutôt “notre ami Erdogan”.

Et c’est à nous, à vous, de faire chang­er ce dis­cours, pour que les vic­times d’Ankara trou­vent une suite à leurs rêves de paix.

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