Un fleuve de plus en perdi­tion : le Méandre…

On le savait déjà, mais là, nous avons le tableau en grandeur réelle.

Une nature morte, oeu­vre de l’être humain. Pour­tant les artistes et leurs imprésar­ios vivent bien dans le coin… vis­i­ble­ment ils aiment patauger dans leurs pro­pres poubelles.

Une retenue d’eau se trou­ve sur le Méan­dre, dans la valée de Söke, à Aydın. L’eau est util­isée pour l’irrigation pen­dant l’été. A l’ouverture des portes, nous voilà tout à coup suf­fo­quant sous un fleuve de mil­liers de tonnes de déchets

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Le Méan­dre prend sa source près de Dinar (Afy­onKarahis­ar) ou avec son nom antique « Celae­nae » et se jette dans la mer Égée, face à l’île de Samos. C’est un fleuve pro­fond et étroit qui débor­de sou­vent, et dépose des sédi­ments à son embouchure.  Plusieurs petites îles au large de la côte se seraient trou­vées liées au con­ti­nent de ce fait, depuis l’Antiquité. Mais aujourd’hui, le fleuve à autre chose que des sédi­ments à déposer…

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Les déchets libérés par l’ouverture de la retenue d’eau, se sont déver­sés dans le Parc Nation­al qui se trou­ve à l’embouchure du fleuve, dans  la mer Egée, ain­si que dans le Parc Naturel du lac Bafa.

Le Méan­dre, long de 584 km, avait col­lec­té ces déchets depuis les villes d’Afyonkarahisar, Uşak, Deni­zli ve Aydın avant de les empris­on­ner der­rière les bar­rages régulateurs.

Pour­tant, EKODOSD (L’associations des ama­teurs de la Nature et pro­tec­tion de l’écosystème) et les respon­s­ables de Söke Sula­ma Bir­liği (Union de l’irrigation de Söke) con­statant il y a env­i­ron un mois, la présence d’une très grande quan­tité de déchets lors de leur exper­tise, avaient aver­ti  début sep­tem­bre à la fois la Pré­fec­ture, la Direc­tion de l’environnement et de l’urbanisme d’Aydın et la Com­pag­nie d’Etat des eaux, afin de leur deman­der d’effectuer un nettoyage.

Rien n’avait été fait.

La retenue a été ouverte.

En effet, tous les ans, en fin de sai­son d’été, les besoins d’irrigation ter­minés, la retenue est ouverte et l’eau est libérée. Aucune des admin­is­tra­tions n’ayant pris en compte les aver­tisse­ments, la réserve d’eau a été ouverte sans net­toy­age préal­able, et des mil­liers de tonnes de déchets se sont joyeuse­ment déver­sés dans la nature.

On observe dans les îlots, des boites de con­serve, des bouteilles  plas­tiques, des embal­lages de pes­ti­cides, des couch­es de bébé, sac plas­tiques, bouteilles divers­es, canettes, toutes sortes d’objets,  de matéri­aux, des cadavres d’animaux, jusqu’à des meubles et appareils électroménager…

Le Méan­dre “offre” en principe l’eau à une large zone de bio­di­ver­sité qui com­prend aus­si des zones pro­tégées. Depuis plusieurs années, le Méan­dre doit se défendre con­tre la pol­lu­tion de source humaine.

Il va fal­loir vrai­ment chang­er la croy­ance « l’eau l’emportera ». Car, oui, en effet l’eau l’emporte mais il l’emporte bien quelque part. Selon les obser­va­tions de l’KODOSD, les habi­tants des zones rurales voisi­nant le Méan­dre jet­tent facile­ment leurs déchets en riv­ière. Dans les lieux de loisirs à forte fréquen­ta­tion, les déchets des activ­ités de pique-nique, mariages, fêtes trou­vent le chemin du fleuve.

Les régu­la­teurs sont main­tenant ouverts et le res­teront jusqu’à la prochaine sai­son d’irrigation. Il sera donc encore une fois dif­fi­cile de retenir cette pol­lu­tion, car les déchets ne s’entasseront plus. Mais le flux con­tin­uera à pol­luer le lac Bafa et, pas­sant par le delta du Méan­dre, la mer Egée.

Et les admin­is­tra­tions qui ne « voient » pas les mon­tagnes de poubelles der­rière les régu­la­teurs, ne compteront cer­taine­ment pas les canettes et les sacs plas­tiques qui passeront sous leur nez peu déli­cat dis­crète­ment pen­dant tout l’hiver…

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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.