Le 25 mai 2012, Recep Tayyip Erdoğan, alors Premier Ministre, déclarait : « Je vois l’avortement comme un meurtre. », provoquant de multiples réactions dans l’opinion publique. Cette vision, appuyée par le système patriarcal enraciné en Turquie, est véhiculée par les propos sexistes des élus de l’AKP et des conseils des dignitaires intégristes.
« Celles qui se sont font violer doivent accoucher. L’Etat subviendra aux besoins de l’enfant.»
(Recep Akdağ, Ministre, AKP).
« Le violeur est plus innocent que la victime du viol qui se fait avorter. »
(Ayhan Sefer Üstün, Député AKP, Président de la Commission des droits de l’Homme).
« La femme doit être morale pour ne pas être obligée d’avorter. » ; « Pourquoi un enfant dont la mère s’est fait violer doit-il mourir ? C’est sa mère qui doit mourir. »
(Melih Gökçek, Maire d’Ankara, AKP).
La collection des “perles” sexistes se trouvent dans le chronique de Mamie Eyan :
“Quand l’imam pète les ouailles chient”
La mise en cause de l’IVG n’est pas une nouveauté, car cette perception archaïque qui porte le sujet dans l’actualité aujourd’hui et l’ajoute aux raisons qui divisent la société trouve ses sources dans l’histoire de l’IVG en Turquie. Cette querelle a toujours existé, pourtant calmée depuis la légalisation de 1983, puis de nouveau réveillée, poussée par l’idéologie portée par l’AKP.
Avant et après la fondation de la République. Contraception et IVG interdites :
« il faut repeupler le pays ! »
Comme le Prof. Dr. M. Asım Karaömerlioğlu l’explique dans son article “Le court histoire de ‘l’IVG en Turquie” : entre 1911 et 1922, sous l’Empire Ottoman, la population était sensiblement basse (jusqu’à moins 30 %) suite aux guerres, à la famine, aux maladies, aux exodes et génocides… Au moment de la fondation de la République Turque en 1923, la démographie était un des sujets qui préoccupaient le plus les leaders du nouveau régime. D’ailleurs, si le premier recensement a été réalisé en 1927 (population : 13.648.270), ce n’est pas un hasard.
Dans les années suivantes, des aides financières et des soutiens sont mis en place afin d’encourager les familles nombreuses. En 1938, l’âge légal du mariage a été abaissé à 17 ans pour les hommes et à 15 ans pour les femmes. Des propagandes de sensibilisation ont été organisées, les objectifs étant de ne plus « limiter » la famille, l’enfant et le mariage dans la sphère privée et de la mettre dans une perspective nataliste d’Etat. Par conséquent, l’Etat a renforcé l’interdiction de l’IVG et interdit les techniques de contraception, allant jusqu’à pénaliser la propagande sur ces deux sujets.
Les organes de presse du régime communiquaient à leur tour que la Turquie avait besoin d’accroître très rapidement sa population et présentaient l’avortement comme « une trahison du pays ».
Ce changement idéologique vécu entre les années 1920 et 1930 s’est aussi matérialisé légalement : la loi n° 765 du code pénal de 1926 interdisait de « provoquer des fausses couches ». En 1936, cet article a trouvé un nouvel intitulé : « infractions contre la santé publique et l’intégrité de la race » (Irkın Tümlüğü ve Sağlığı Aleyhine Cürümler) et a ajouté encore la phrase : « puisque l’objectif est d’empêcher les fausses couches et de protéger les générations », directement inspirée de l’Italie fasciste. Les peines sont également alourdies.
Années 50–60 :
« la contraception, oui, l’avortement, non ! »
Malgré tous ces efforts, les « rumeurs » sur l’existence des pratiques d’avortement n’ont jamais cessé.
Jusqu’à la fin des années 1950, le sujet n’a jamais été abordé ouvertement devant l’opinion publique. Si les journaux en parlaient, c’était seulement pour relayer les informations sur des dossiers judiciaires ouverts pour des cas d’interventions ayant entraîné le décès d’une femme.
Il a fallu attendre le début des années 1960 pour constater un vrai changement sur la contraception et l’IVG. Notons que,
Grâce aux progrès dans le domaine de la santé et à l’amélioration des services médicaux, la mortalité infantile avait sensiblement baissé, et la population présentait un taux d’accroissement de 2 % par an. Cette fois-ci, le sujet était revenu sur la table parce que la peur d’éventuels risques économiques et sociaux commençait à surgir.
Les campagnes menées par les Etats-Unis auprès des pays dits « sous-développés » afin de diminuer leurs populations, ainsi que le changement de regard global du monde sur le sujet étaient également perçus en Turquie.
L’existence des pratiques d’avortement, malgré les interdits, était indéniable. Il fallait alors de nouveau se pencher sur le sujet.
En 1965, avec une nouvelle loi de planification familiale (Nüfus Planlaması Hakkında Kanun), l’importation, la distribution et l’utilisation des contraceptifs ont été légalisés. L’Etat s’est également impliqué dans l’éducation dans ce domaine.
Quant à l’IVG, toujours interdite, elle continuait à être pratiquée dans l’illégalité. Quelques dérogations sur les cas d’exception médicale concernant la santé de la mère et de l’enfant ont été légiférées.
Années 60–70 :
« sous l’escalier, avec des aiguilles à tricoter… »
Après les années 1960, dans l’atmosphère culturelle en ébullition, la contraception et l’IVG ont commencé à avoir un accueil plus positif. Elles étaient analysées dans les dimensions économiques et interprétées dans le cadre de « développement ». La démographie était prise en compte non plus d’une façon quantitative mais qualitative.
Les conservateurs n’avaient pas du tout changé leur vision et une sérieuse opposition continuait à exister contre la contraception et l’IVG. Celle-ci prenait force dans les opinions populaires, telles que : « une population peu nombreuse entraîne la nation vers le luxe, la paresse et l’alcoolisme ».
Dans les années 1970, des organisations de société civile et des associations corporatives comme l’Union des Médecins turcs, la Communauté de la Gynécologie turque, l’Association de la Planification Familiale et l’Association des Femmes Universitaires, ont effectué de sérieuses études, ont publié des rapports et se sont mobilisées pour la nécessité de la contraception et la légalisation de l’IVG.
94 % des médecins sondés par l’Union des Médecins turcs exprimaient la nécessité de la légalisation de l’IVG et insistaient pour qu’elle soit un service de santé gratuit de l’Etat.
Le point le plus important qui a joué sur le changement de la perception sur l’IVG en Turquie (comme dans beaucoup de pays), était sans doute cette réalité que, malgré les interdictions, l’IVG était pratiquée d’une façon massive.
En Turquie, la majorité des femmes qui avaient recours à l’avortement étaient des femmes mariées. L’illégalité des pratiques rend impossible d’en connaître aujourd’hui les chiffres exacts, mais il existe des études et des estimations.
Au début des années 1970, 1,5 millions de naissances et environ 500.000 « fausses couches » sont recensées : deux accouchements pour une fausse couche chez les femmes âgées de 20 à 30 ans et deux accouchements pour trois fausses couches chez celles de 30 à 40 ans.
Une autre étude nous apprend qu’en 1970, sur les 350.000 fausses couches, 294.000 étaient survenues en milieu urbain.
Des estimations effectuées de 1979 révélaient 500.000 fausses couches par an, suite auxquelles 25.000 femmes étaient mortes.
En 1980, 98 % des femmes ayant l’âge de procréer auraient tenté au moins une fois un avortement volontaire. Selon les chiffres du Ministère de la Santé, en 1981, sur 450.000 fausses couches déclarées, 350.000 sont des fausses couches volontaires.
Pendant cette période, chaque année 10 à 15.000 femmes sont décédées lors d’une fausse couche, et autant en ont gardé des séquelles. L’interdiction poussait les femmes à pratiquer différentes techniques primitives d’avortement, souvent dans de très mauvaises conditions d’hygiène : étaient alors utilisés les outils de la vie quotidienne comme les allumettes, les plumes, les aiguilles à tricot, les barrettes à cheveux, les thermomètres, les clous, les poils de balais, diverses racines de plantes, noisettes, pommes de terre… Héritage linguistique de la sombre histoire de l’IVG en Turquie, « le dessous d’un escalier » resterait à jamais le terme utilisé pour décrire un endroit caché, sale et sordide…
Malgré la pénalisation, très peu d’affaires arrivaient jusqu’aux tribunaux. Par exemple, en 1969, seuls 19 cas sur les 270.000 estimés ont été traités par la justice. Par contre, les personnalités, intellectuelles ou artistes, qui osaient parler de leurs propres expériences et dénonçaient l’interdiction, étaient aussitôt convoquées au commissariat et sévèrement interrogées.
Par ailleurs, il ne faut pas négliger l’économie parallèle que cette pratique interdite et risquée générait. Les interventions illégales avaient un coût important et toutes les femmes ne pouvaient pas consulter les « spécialistes », qu’ils soient médecins, charlatans renommés ou vieilles femmes qui savaient faire… Celles qui ne pouvaient pas contribuer à cette économie parallèle avaient toujours l’aiguille à tricoter et le dessous de l’escalier.
Années 70–80 : projet de loi, coup d’Etat, légalisation
Les débats et discussions ont fini par engendrer des initiatives et des propositions concrètes. Le Conseil de Santé réuni en février 1971 adopte « le droit à l’avortement gratuit ». Quelques mois plus tard, un projet de loi sur la légalisation de l’avortement a été proposé par le député Celal Kargılı.
Une commission de santé constituée d’économistes, de juristes et de gynécologues a été chargée d’élaborer un plan de route après avoir étudié « scientifiquement » la question… La commission a proposé, en 1972, que l’IVG soit soumise à certaines règles et qu’elle soit pratiquée sous le contrôle de l’Etat.
Pour l’entière légalisation, il a fallu encore attendre… En 1979, quatre députés du CHP (Parti Républicain du Peuple), soulignant que 500.000 interventions étaient effectuées par an et que 25.000 femmes en décédaient, ont enfin proposé un nouveau projet de loi.
S’en est suivi le coup d’Etat du 12 septembre 1980…
L’approche du régime militaire sur le sujet était plutôt basée sur une « planification familiale », et l’IVG était considérée comme un « outil ». Cette vision largement critiquée aussi bien en Turquie que dans le reste du monde, représentait un retour en arrière.
Début 1983, l’IVG a enfin été mise à l’ordre du jour, et les travaux se sont accélérés. La nouvelle loi « de planification familiale » (2827 sayılı Nüfus Planlaması Hakkında Kanun) a été adoptée le 27 mai 1983.
La nouvelle loi permettait les interventions dans les dix premières semaines de la grossesse, avec une possibilité de dérogation en cas de nécessité médicale. Elle a remplacé le mot « fausse couche » par le très joli terme « expulsion de l’utérus ».
Mais il ne faut pas penser qu’avec ce changement de loi, toutes les femmes ont pu tout de suite accéder au droit à l’IVG. Il a fallu encore attendre plusieurs années pour que les hôpitaux soient équipés et puissent disposer du personnel suffisant afin de répondre aux demandes comme il se devait.
Dans les années en 1990–2000, la contraception n’étant toujours pas suffisamment étendue, adoptée et pratiquée, de nombreuses femmes avaient recours à l’IVG. Dans les années 1990, des chiffres affolants comme un million d’interventions par an sont évoqués ! Selon un rapport de 1994 de la Fédération Internationale pour la Planification Familiale (IPPF), la Turquie et la Grèce sont les pays où l’on observe le plus grand nombre d’interventions.
Du 1983 à nos jours :
« l’avortement est un meurtre »
Depuis sa légalisation en 1983, l’IVG n’est plus un sujet de discussion mais un droit élémentaire.
Les conditions des femmes se sont dégradées progressivement sous le régime Erdoğan et la violence faite aux femmes et les meurtres ont spectaculairement grimpé. En réponse la lutte des femmes et féministes s’est organisée pour faire appliquer le droit d’une IVG restée accessible.
En 2007, l’IVG a été discrètement retirée de la liste des interventions remboursées par la Sécurité Sociale, et est ainsi devenue un droit seulement pour celles « qui ont les moyens », qui s’orientaient déjà vers les cliniques privées plutôt que vers les hôpitaux publics.
Erdoğan, de discours en discours, a redéfini la place des femmes au sein de la famille, sous l’aile de son mari, réduite à son rôle de maternité, et a « vivement conseillé » les familles de faire trois enfants (au moins !). Ainsi, il a séduit les plus conservateurs, et convaincu les plus modérés. Il n’est donc pas surprenant que l’IVG soit remise à son tour en cause.
En 2012, Erdoğan a ainsi déclaré la guerre en qualifiant l’avortement de « meurtre », argumentant dans ses folies de grandeur et sa paranoïa des « forces extérieures » : « L’avortement est un plan sournois projeté pour effacer cette nation de la scène mondiale. ».
Aujourd’hui, si la posture et les propos d’Erdoğan contre l’IVG trouvent écho, la raison principale en est le repli et l’obscurantisme des milieux conservateurs face à des dizaines d’années de luttes émancipatrices. Erdoğan ne fait que poursuivre son mentor idéologique Erbakan, fondateur de différents partis politiques islamiques et du mouvement islamique (Milli Görüş, littéralement « vision nationale »), qui prêchait déjà dans les années 1970 : « Le vrai travail des femmes est la maternité. ». Rien d’original chez Erdoğan…
L’approche peut paraître au premier abord « religieux ». « L’IVG est un meurtre. Faites trois enfants. Dieu donnera le nécessaire pour subvenir à leur besoin. »… En passant par la voie de la religion, le message atteint plus facilement une certaine partie de la population habituée au fatalisme et à l’acceptation : « Mon enfant est mort : Dieu me l’a donné, Dieu me l’a repris ».
Mais le discours religieux sur l’IVG n’est qu’une tactique. Sur le volet du « recadrage » des conditions des femmes, le sujet est pris en main encore et toujours dans le cadre de l’accroissement de la population. Pourtant forte des expériences de ces dernières dizaines d’années, la Turquie a changé. Les réalités d’aujourd’hui sont totalement différentes de celles de la Turquie d’avant : un grand pays agricole. De nos jours, les familles n’ont plus besoin d’enfants « main d’œuvre ». Au contraire, les enfants sont à la charge de leurs parents et ne sont de quasi aucun soutien économique à la famille. L’appel concernerait-il alors les électeurs de demain, qu’Erdoğan souhaiterait le plus nombreux possible ?
Quelques exemples concrets et représentatifs
Les femmes accédaient plus facilement aux « foyers de santé », petits hôpitaux des régions à faible population, souvent rurales, mais beaucoup d’entre eux ont été fermés. Le nombre de « centres de santé mère/enfant et planning familial » a également diminué progressivement. Beaucoup de femmes qui contactent les centres familiaux afin de se procurer des contraceptifs entendent toujours les mêmes réponses : « il n’y a plus de préservatifs », « on recevra des pilules la semaine prochaine », et rentrent les mains vides…
Depuis deux ans, certains médecins et groupes corporatifs de santé tirent la sonnette d’alarme en dénonçant l’anéantissement, dans de nombreux hôpitaux, de la pratique de l’IVG, qui légalement est toujours un droit, libre et gratuit. Différentes techniques sournoises de suppression de services ont été révélées. Le Professeur Cansun Demir, Président de l’Association turque de la Gynécologie et l’Obstétrie, pointait, le 12 mars 2014, « les changements administratifs », et expliquait que le code de l’IVG avait été supprimé du système informatique des hôpitaux publics, et que par conséquent tous les services concernés sont depuis automatiquement fermés.
En février 2015, Ayşe, une jeune femme enceinte, a été blessée au bras par une balle tirée par son compagnon. Ayşe a été hospitalisée à l’hôpital de Recherche et d’Education de Tepecik à Izmir, mais l’équipe médicale a refusé de la soigner, alors qu’elle risquait de perdre son bras, car il ne fallait pas mettre en danger la vie de l’enfant ! Et l’équipe n’a rien trouvé de mieux que de demander l’autorisation du « futur père », accusé de coups et blessures… La jeune femme avait pourtant demandé clairement à être soignée, en précisant qu’elle voulait garder son bras, et pas l’enfant de l’homme qui avait voulu la tuer. Avec le soutien des organisations de société civile et les collectifs féministes, l’IVG a été effectuée, et Ayşe a pu sauver son bras.
L’histoire d’Ayşe est un exemple concret parmi tant d’autres. Elle a profité d’une large médiatisation, qui a servi de « pression » sur l’équipe médicale. Mais combien d’autres cas passent inaperçus et ne trouvent pas de soutien ?
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L’hôpital qui avait accueilli la jeune femme fait partie de ceux qui ont enlevé le code IVG de leur ordinateur depuis 2014… Les droits des femmes sont quasi systématiquement bafoués par la demande d’approbation de leur compagnon, qu’elles soient mariées ou non. Même pour une intervention suite à un viol, ou due à des problèmes médicaux, l’autorisation de trois médecins est nécessaire. Toutes ces difficultés constituent de vrais barrages au droit à l’IVG des femmes.
Les constats des collectifs de femmes/féministes et des organisations de société civile rejoignent les cris d’alarme des médecins.
« Mor Çatı » (Toit mauve, Fondation, refuge pour femmes) publiait début février 2015 les résultats d’une enquête effectuée auprès de 37 hôpitaux publics à Istanbul. Cette enquête comportait une unique question, posée anonymement par téléphone : « Pratiquez-vous des IVG ? ».
Les résultats ont révélé la réelle situation actuelle.
Seul 3 hôpitaux sur 37 effectuent des IVG. Or, tous ces hôpitaux possèdent les moyens matériels et le personnel spécialisé pour répondre aux demandes des femmes, conformément à la loi. 12 d’entre eux refusent catégoriquement l’IVG, et 17 l’effectuent seulement en cas de nécessité médicale, la décision étant prise par un conseil médical. 3 hôpitaux effectuent des IVG, mais 2 d’entre eux n’interviennent plus au-delà de huit semaines. Seul un hôpital intervient dans les délais définis par la loi, c’est-à-dire jusqu’à dix semaines. En résumé, à Istanbul, la plus grande ville de Turquie, pour plus de 14 millions d’habitants (en 2014), un seul hôpital sur 37 respecte la loi en vigueur.
Il est utile de noter que le Ministère de la Santé a répondu au rapport de Mor Çatı par un communiqué de presse, affirmant qu’il n’y avait aucune restriction par rapport à la loi existante et que tout se déroulait normalement.
« La femme est l’avenir de l’homme »
Suite à la mise en cause récente de l’IVG, une plateforme a vu le jour en juin 2012 sous le nom « Kürtaj haktır, karar kadınların » (l’IVG est un droit, la décision est celle des femmes). L’IVG est aujourd’hui au cœur de l’actualité, non pas comme un sujet à part de tous les droits des femmes, mais faisant partie de tout un ensemble cohérent. De nombreux collectifs, associations et organisations comme Mor Çatı, İstanbul Feminist Kolektif, Amargi Kadın Kooperatifi, Antimilitarist Feministler, Gökkuşağı Kadın Derneği, Feminist Kadın Çevresi, Filmmor Kadın Kooperatifi, se battent en faisant converger leurs forces sur différents terrains de lutte.
En 2014, le Ministère de la Santé a fait mine de céder devant les manifestations et revendications des femmes, et réintégré l’IVG dans les interventions prises en charge par la Sécurité Sociale. L’IVG est donc aujourd’hui toujours un service de santé gratuit de l’Etat, mais sur le papier : en pratique il s’agit d’un droit difficile à utiliser.
Comme nous l’avons observé ensemble, aujourd’hui en Turquie les femmes sont poussées à rester enfermées dans le rôle de mère, deviennent des victimes de violences et de meurtres, et voient leurs droits s’émietter. Mais ne pensez pas qu’elles se plient et baissent les bras. Au contraire, elles se rassemblent, s’organisent, s’expriment et se mobilisent. Certes, elles et leurs soutiens ont beaucoup à faire, mais ils ne lâcheront pas.
Pour éviter toute comparaison douteuse sur le thème, « la Turquie obscurantiste de toujours » nous donnons à préciser que la France n’adopte l’IVG qu’en 1975 et des pays dits européen la refusent toujours ou veulent la supprimer (Espagne…)
On constate sans difficulté que cette question est liée au patriarcat et aux options politiques où la démographie l’emporte sur le bien être des populations et où la femme est sensée jouer le rôle de « pondeuse pour la nation ». Quand s’y rajoutent la religion, la fausse morale, la bien bien-pensance, le combat des femmes rime avec éternel recommencement.
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Naz Oke pour Kedistan et Boum ! Bang !