Comme vous l’avez sans doute remar­qué, la plu­part des quelques mem­bres bénév­oles de la petite équipe Kedis­tan n’a pas pris de vacances. Et pour cause, c’est Erdo­gan qui nous a dic­té le tempo.

La guerre entre­prise con­tre les civils en Turquie et à ses fron­tières, avec la béné­dic­tion des « anti ter­ror­istes » de l’Otan et ses com­man­di­taires européens con­naît des suites que l’on s’épuis­erait à com­menter à l’in­fi­ni dans des brèves qui feraient deux pages.

Nous avons assumé notre rôle d’in­for­ma­tion quo­ti­di­enne, en traduisant, recoupant, véri­fi­ant toutes les pub­li­ca­tions de la presse et des médias turcs depuis le mas­sacre des 33 de Suruç. Cer­tains de nos arti­cles ont servi de sup­port à des « papiers » dans la « presse française offi­cielle » par la suite, et c’est tant mieux.

Vous étiez près d’un mil­li­er chaque jour à lire et sou­vent relay­er nos con­tenus sur les réseaux sociaux.

Nous n’en tirons aucune gloire, aucun con­tente­ment d’é­go. Juste la sat­is­fac­tion d’être à son poste et de le tenir con­tre vents et marées, parce qu’il sem­ble utile de le faire.

Nous avons ten­té de don­ner une grille d’analyse poli­tique, aujour­d’hui large­ment partagée, sans que toute­fois les lignes ne bougent.

Nous nous sommes engagés sur un sou­tien « à la paix civile » portée par beau­coup d’or­gan­i­sa­tion de société civile. Cette préoc­cu­pa­tion soutenue aus­si par le par­ti HDP, qui, à nos yeux de sans par­tis, autre que celui d’un autre monde à con­stru­ire ensem­ble, est le seul regroupe­ment des forces poli­tiques turques capa­ble de porter des aspi­ra­tions com­munes pour l’ensem­ble des « com­mu­nautés » de ce pays.

Notre regard cri­tique n’ex­clut pas le sou­tien aux opposants qui veu­lent met­tre bas le gou­verne­ment des big­ots et des libéraux, même par la voie insti­tu­tion­nelle, quand elle s’avère une brèche pos­si­ble à ouvrir.

La guerre con­tre les pop­u­la­tions kur­des et ceux qui les sou­ti­en­nent, tout comme les assas­si­nats de mem­bres du PKK ou assim­ilés comme tels ne peut pas être jus­ti­fiée. L’au­to défense des pop­u­la­tions kur­des est légitime, comme la lutte armée con­tre Daesh est fon­da­men­tale à Kobanê et au Roja­va. On sait pour­tant tous que la con­tin­u­a­tion d’af­fron­te­ments entre le PKK et l’ar­mée turque n’a jusqu’i­ci fait qu’en­ven­imer la sit­u­a­tion depuis des décen­nies et fait des vic­times civiles et com­bat­tantes que chaque famille dans son coin va pleur­er en maud­is­sant l’autre. et comme nous savons, aus­si, que ces mêmes familles sont prêtes aujour­d’hui à se réu­nir con­tre Erdo­gan et sa guerre, cela donne autant de raisons pour défendre le retour à la paix civile.

Nous ne restons pas indif­férents à « toute la mis­ère du monde », ni aux « images » qu’elle envoie.

Parce que cet exode des réfugiés venus de Syrie s’est accéléré depuis les déci­sions du gou­verne­ment Erdo­gan d’as­sumer pour la coali­tion la lutte « con­tre le ter­ror­isme », nous ne pou­vons détourn­er le regard en voy­ant des images tant de bar­belés que de trains ou de corps sup­pli­ciés déri­vant sur les côtes de Méditer­ranée. Erdo­gan a lâché la bride de tous les prof­i­teurs de guerre, passeurs inclus. Et il regarde d’un bon œil par­tir la majeure par­tie des réfugiés en exode vers l’Eu­rope et le voisin grec.

Ne serait-ce que la mort d’un enfant, vic­time de cette poli­tique, c’est déjà de trop. Et nous savons que d’autres meurent sous les bom­barde­ments de l’ar­mée turque, sous les balles de la police, comme durant la fuite imposée aux civils.

Oui, la pho­to du corps du petit Aylan, comme le courage de son père, nous ont aus­si « ému ». Nous ne rajouterons pas de com­men­taires aux com­men­taires, parce que vous savez que nous ne décou­vrons pas une réal­ité que nous ne ces­sons pas de décrire.

Oui nous pren­drons pied dans la cam­pagne qui se des­sine sur un « wel­come réfugiés ». Nous le fer­ons à notre place, non pas dans un « Char­lie tour » hyp­ocrite et mal­sain, mais en con­tin­u­ant à décrire cette réal­ité, à dénon­cer les respon­s­ables en don­nant les faits, à agir chaque fois qu’une ini­tia­tive nous sera proposée.

Mais lais­sez nous le temps d’un souf­fle. Lais­sez nous, alors que Kedis­tan va fêter son pre­mier anniver­saire (eh oui!) restruc­tur­er notre out­il, élargir nos con­tribu­teurs, bref faire le point sur le « com­ment on continue ».

Quand nous disions « Kedis­tan sera ce qu’en fer­ont ses lecteurs », nous avions juste oublié que lorsqu’ils répon­dent « chiche », il ne faut pas dire « oui mais… » , mais avancer ensem­ble, en ouvrant l’outil qui ne nous appar­tient pas davantage.

Alors si dans cette semaine, vous remar­quez une « vacance », une baisse de rythme, alors que la réal­ité sem­ble frap­per à la porte, effet médi­a­tique aidant, ne nous en voulez pas. Pen­dant l’in­ven­taire, le com­bat continue.

griffes

Cet arti­cle est pub­lié sous mon nom, parce qu’il annonce la couleur et qu’il est temps à mes yeux d’être respon­s­able vis à vis des mil­liers de lecteurs et que Kedis­tan n’a pas de « ligne » offi­cielle, mais celle de ses par­tic­i­pa­tions croisées.

Ni maître à penser, ni pois­son rouge, le chat l’a mangé.

Naz Oke pour Kedistan

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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.