Une fusillade a éclaté ce matin devant le palais de Dolmabahçe, siège du Premier Ministre turc, à Istanbul. Les deux “assaillants” ont été arrêtés, et la fusillade n’a fait ni mort ni blessé.
Les deux “assaillants” qui visaient les deux policiers en garde devant la porte, auraient lancé dans un premier temps, une grenade. Celle-ci n’ayant pas explosé, ils auraient tiré. Les cabines blindées auraient sauvé la vie des deux gardes.
C’est la continuité de toute une série…
Il y a une dizaine de jours le Consultat américain avait également été mitraillé par des armes automatiques et l’attaque avait été revendiquée par le DHKP‑C (Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple). Le poste de Police de Sultanbeyli avait été la cible d’un attaque à la bombe. Un véhicule chargé d’explosifs avait fait 10 blessés dont 3 policiers. Cet attentat aurait été revendiqué par le PKK.
Les 33 de Suruç sont déjà oubliés par les médias, et pourtant cet attentat contre des jeunes militants ou humanistes, en route pour Kobanê, fut le point de départ de toute une escalade contre la paix civile et d’une attaque en règle contre le Peuple kurde. L’objectif d’Erdoğan est bien de couper les liens entre les Kurdes qualifiés de “terroristes” (et ce avec l’assentiment des gouvernements de la “coalition”) et les populations qui avaient soutenus le HDP, kurdes et non kurdes, et mis le gouvernement AKP dans le plus grand embarras électoral. Et quand cela ne suffit pas, les nationalistes viennent à la rescousse. Dans ce contexte, on a toutes les raisons de se méfier des “actions” aux revendications pas toujours sûres, le but semblant celui d’arriver à une loi martiale qui se généraliserait à l’approche des nouvelles élections. La Turquie a basculé dans une sorte de démarche de coup d’Etat avec l’utilisation de toutes les ficelles constitutionnelles.
Dans le sud-est du pays habité majoritairement par les kurdes, les affrontements s’amplifient. Après un moment de retour au calme, un climat de guerre règne à nouveau à Varto… Mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Dans les villes comme Diyarbakır, Şırnak et Hakkari le couvre-feu continue.
L’Etat essaye de reprendre à tout prix le contrôle passé aux combattants de la rébellion kurde, par endroit.
Mehmet Emin Aktar, ancien président du Barreau de Diyarbakır affirmait aujourd’hui devant la presse, que des “mesures de sécurité” sont mises en place par l’ordre simple des Préfectures, grâce aux changements apportés en 2013, à la loi légiférant sur « Les zones militaires interdites et les régions de sécurité » décrétée en 1981 par les militaires du coup d’état de 1980.
Mehmet Emin, soulignait que dans les régions de sud-est il existait déjà des mesures définies par « OHAL » (Région d’urgence crée en 1987, dirigée par un gouverneur attribué, en principe supprimée en 2002), mais qu’actuellement la situation dépasse largement les conditions de l’OHAL.
Il ajoutait qu’aucune information ne parvient plus de Lice et de Silvan par exemple… et précisait que le couvre-feu, la coupure des télécommunications, de l’internet, de l’électricité et l’eau, le contrôle et la limitation de tout accès dans les villes et villages concernés sont des pratiques “inquiétantes” pour “la vie et le bien des habitants”.
Et les victimes sont des deux côtés des “enfants du peuple”.
Aujourd’hui à Siirt, un explosif posé sur la route visant le véhicule de tour de garde militaire a tué 8 soldats. Encore 8…
Plus le nombre de soldats, dont des appelés tués lors des attaques augmente, plus leurs funérailles deviennent chaotiques. Il n’est pas rare de voir des vidéos montrant des ministres venus pour présenter des condoléances aux familles de « martyrs » se retrouvant persona non grata dans ces funérailles, voire insultés. Non seulement les familles qui ont perdu leurs fils sont en colère mais les familles des “appelés” inquiètes, le sont aussi, et elles expriment leur rage. “Ils n’ont qu’à envoyer leur propre fils à la guerre ! ”
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“Pardonne moi mon fils, tu es mort”
Pendant ce temps là, Tayyip Erdoğan, qui a l’art de transformer toute sorte d’inaugurations et de cérémonies inutiles et inimaginables en meeting, profite joyeusement des funérailles pour faire ses discours.
Le funérailles de Barış Aybek soldat appelé, mort 2 semaines avant la fin de son service militaire étaient révoltantes.
Barış était alévi, donc ses funérailles devaient se passer dans le “cemevi” lieu de culte des alévis. Prétextant le fait que des funérailles officielles ne peuvent être faites qu’à la mosquée (les “cemevi” ne sont pas considérés comme lieu de culte par le gouvernement) le cercueil de Barış fut transféré dans une mosquée dans un irrespect total. Comme si ce n’était pas suffisant, la cérémonie de funérailles de Barış, fervent opposant à Tayyip a été faite en sa présence. Ces funérailles étaient le summum de l’instrumentalisation du sang versés des enfants de Turquie qu’ils soient turcs, kurdes, alévis ou autres.
L’ironie est que “Barış” en turc veut dire : “paix”
Les uns versent des larmes pour leurs enfants, les autres s’inquiètent. Les originaires des régions de sud-est sont coupés de leur proches. Certains voient comme seule sortie le fait que le PKK baisse les armes, alors que d’autres pensent que l’armée doit sévir encore plus.
La division, la confusion d’un côté, une colère et un ressentiment qui ne s’unit pas de l’autre, faute de trouver les voies et les voix pour le faire.
Par exemple, Devlet Bahçeli, le leader du MHP (parti ultra-nationaliste) a demandé aujourd’hui, mercredi 19 août, la mise en place de la loi martiale dans les régions où les affrontements s’amplifient. Il a également suggéré d’enlever en urgence le sujet des élections de l’actualité en précisant que des élections dans les conditions actuelles mettraient le feu à la mèche d’une guerre civile.
Combien de Barış doivent mourir encore ?
On ne peut blâmer les combattantEs du PKK en Turquie de protéger les populations. Ils (elles) le font avec courage contre des forces militaires écrasantes, aidées par des nationalistes “enragés”. L’auto défense est légitime. Mais on peut se poser la question du sens des “attentats” .… et des divisions et confusions qui s’en suivent.
Les logiques militaires à armes inégales ne seront pas les débouchés de la situation.
On peut aussi constater que, malgré quelques progrès dans le soutien du CHP (social démocrate libéral) au HDP, celui-ci ne jette pas ses forces dans la bataille pour “la paix civile” et est plus préoccupé des élections à venir que d’unir les populations.
Les politiciens “politiciennent” pendant que peut dégénérer une situation, comme l’espère Erdoğan, qui s’apprête déjà à apparaître comme un “sauveur”, dès lors où il jugera ses manoeuvres abouties.
Les partis démocratiques font payer là le maintien de leurs divisions post électorales de ces derniers mois, face à un apprenti dictateur dont ils avaient pourtant toutes les raisons de se méfier.
Plus que jamais, Erdoğan joue son va tout face aux politiciens qu’il brocarde sur fond de divisions profondes entretenues par le nationalisme, la peur, les préjugés contre les minorités, toujours faciles à instrumentaliser.… alors que monte une vague possible pour la paix et l’arrêt des tueries qui s’amplifient.
Et tout cela à quelques distances de la guerre en Syrie, et des menaces de Daesh d’embraser toute la région.
A part ça, les avions de l’OTAN décollent et atterrissent.… La lutte “contre le terrorisme” bat son plein.