Le Pre­mier Min­istre turc Ahmet Davu­toğlu vient d’an­non­cer sa démis­sion. Suite à l’échec de la con­sti­tu­tion d’un gou­verne­ment de coali­tion (le délai prend fin le 23 août), c’est par­ti pour un gou­verne­ment chargé d’or­gan­is­er les élec­tions. Qui sera par­tie prenante de ce gou­verne­ment “élec­toral” ?

Pen­dant que cette ques­tion cherche une réponse, le YSK (Con­seil Suprême des Elec­tions) annonçait ses con­clu­sions : en cas de volon­té d’aller vers de nou­velles élec­tions, faute de coali­tion, le délai con­sti­tu­tion­nel de 90 jours (en l’occurrence après le 23 août) pour­rait être raccourci.

Et pen­dant ce temps là, les affron­te­ments s’amplifient…


turquie-carte-varto A Var­to, com­mune de Muş des affron­te­ments duraient depuis 2 jours. Lun­di matin à par­tir de 08h30 la Pré­fec­ture a mis en place la loi martiale.

Les mil­i­taires sont entrés dans la ville, plusieurs maisons et com­merces ont été mitrail­lées depuis des blind­és et héli­cop­tères, et brulées. Les habi­tants affir­ment que les sol­dats ont mis le feu à 2 maisons. De gros dégâts matériels ont été constatés.

Dans les pre­mières heures mati­nales lun­di, une grande explo­sion est sur­v­enue sur la route Hınıs-Var­to. 4 per­son­nes auraient per­du la vie.

L’Etat Major  affir­mait dans un communiqué :

Les forces de sécu­rité  sont entrées en con­flit le 16 août à 20h30 avec des ter­ror­istes. 4 ter­ror­istes ont  été “attrapés morts” avec leur armes. Et un mem­bre de YDG‑H a été arrêté à Var­to, dans une voiture avec 9 Kalash­nikov et 5 lance-roquettes.”

Dans le quarti­er Gimgim, les corps déchi­quetés de 2 per­son­nes ont été retrou­vés. Les habi­tants témoignaient des affron­te­ments autour des maisons et affir­maient que ces per­son­nes se sont tuées  avec les explosifs qu’elles por­taient. Dans la mat­inée de lun­di les restes des corps ont été trans­portés par la police, les morceaux de chair éparpil­lés dans les lieux on été ramassés par les habi­tants. Après le départ des forces de sécu­rité de nom­breuses per­son­nes, dont des mem­bres du HDP se sont rassem­blés dans le quartier.

Les habi­tants s’exprimaient devant les journalistes.

Ahmet Memiş dont la mai­son a été mitraillée :

J’étais à la mai­son avec ma femme et mon enfant sur le coup du 03h00. Les blind­és étaient dehors et ils ont com­mencé à mitrailler la mai­son,  provo­quant un incendie. Ma femme est sor­tie avec l’enfant. Nous avons sauvé notre vie de justesse

Abdulse­lam Bingöl affirme que l’Etat a mis la com­mune en sac :

Ils ont tout détru­it. Nous viv­ions des affron­te­ments très forts depuis 2 jours. Les locaux com­mer­ci­aux ont été mitrail­lés et détru­its. Il y a beau­coup de dégâts et il y a des morts. Les dégâts encore, sont moins grave mais il serait préférable de ne pas avoir eu des morts. Les héli­cop­tères volaient, les blind­és mitrail­laient les maisons. Une grande vio­lence a été vécue. La com­mune est détruite.

Une dame âgée, Muh­sine Özen souligne :

Nous ne voulons pas de guerre. Nous ne voulons pas que les gens meurent. Qu’ont-ils fait les sol­dats ? Ils ont mitrail­lé les civils. Ils ont fait de la vio­lence. Nous pou­vions même pas rester dans nos maisons. Ils les ont mitrail­lé au hasard. Nous voulons la paix, la fra­ter­nité et la lib­erté, et pas autre chose.

Le bilan des morts et blessés reste indéter­miné. Nous apprenons qu’au­jour­d’hui, lors des funérailles des civils, les mil­i­taires auraient empêché les habi­tants d’y par­ticiper en les menaçant de leur armes.



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A Şemdin­li, com­mune de Hakkari, les affron­te­ments qui duraient depuis quelques jours à l’entrée de la com­mune se sont éten­dus vers le cen­tre. Le cen­tre ville a été évac­ué. Plusieurs maisons on été mitrail­lées et ont reçu des tirs de roquettes. Les habi­tants des quartiers Yay­la et le vil­lage Şap­atan affir­ment que des annonces sont faites depuis des blind­és qui tra­versent les rues « Evac­uez vos maisons, sinon nous ne sommes plus respon­s­ables », qu’un incendie de forêt a débuté autour de la ville, suite aux bom­barde­ments des héli­cop­tères. Dans la région vis­i­ble­ment bom­bardée à l’aveu­gle 4000 per­son­nes vivent. Les habi­tants dénon­cent égale­ment le fait que l’armée a pris l’hôpital sous con­trôle et que seuls les mil­i­taires et policiers sont soignés. L’accès serait inter­dit aux civils.

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carte-turquie-silvanA Sil­van, com­mune de Diyarbakir, suite à la déc­la­ra­tion de la loi mar­tiale à par­tir de 01h00, les forces de sécu­rité ont entamé une opéra­tion con­tre les mem­bres du PKK. Il y aurait déjà un mort et un blessé lors des affron­te­ments. Les télé­com­mu­ni­ca­tions et Inter­net son coupés.

Dans les quartiers Sela­hat­tin, Tekel et Mesçit, des bar­ri­cades étaient mis­es en place il y a 3 jours par le YDG‑H afin d’empêcher l’accès aux forces armées. Le prési­dent du DBP (Par­ti pour la paix et la démoc­ra­tie, trans­for­mé en Par­ti Région­al Démoc­ra­tique après la créa­tion du HDP en 2014) de Sil­van, Barış Gülenyü­zlü avait déclaré sur la place publique du quarti­er Mesçit, accom­pa­g­né d’un groupe d’environ 300 personnes :

Nous ne voulons pas être admin­istré par Ankara, nous voulons diriger notre ville nous même en autonomie.


 

turquie-carte-cizreA Cizre, les snipers, et pro­jecteurs auraient pris posi­tion sur les toits des bâti­ments sen­si­bles comme l’Hôtel de Police, la Sous-Préfecture.

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carte-turquie-silopiLes mêmes “pré­cau­tions” avaient été pris égale­ment à Silopi récem­ment, con­tre lesquelles la pop­u­la­tion avait trou­vé une parade pour pou­voir se déplac­er en se pro­tégeant des tirs éventuels : des tis­sus ten­dus entre les maisons, dans les rues. 

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Avec la déc­la­ra­tion de la “loi mar­tiale” dans dif­férentes com­munes, c’est l’ar­bi­traire mil­i­taire qui prend les com­man­des, sous les ordres du gou­verne­ment, et sou­vent avec l’aide de nation­al­istes quand ils sont sur place, pour accentuer les ten­sions et fournir tous les pré­textes à répression.

Nous ne sommes vis­i­ble­ment plus dans une sit­u­a­tion de sim­ple ten­sion, mais bien dans une guerre con­tre les civils, à l’im­age de ce que furent les prémiss­es du con­flit syrien.

Et cela alors que Daesh qui devait soit dis­ant être la cible, se réjouit de voir le gou­verne­ment turc affaib­lir ses plus farouch­es combattants.

La tenue d’élec­tions dans ces con­di­tions sera de fait entachée par la présence et la pres­sion mil­i­taire à l’Est, régions qui avaient toutes voté de façon ultra majori­taire con­tre l’AKP et fait élire des députés du HDP.

Ce début de guerre civile dans des poches de résis­tance où le PKK a repris les armes, et la répres­sion aveu­gle et dis­pro­por­tion­née con­stituent une réal­ité qui devrait, la Turquie étant mem­bre de l’Otan et de la coali­tion, con­stituer un motif de con­vo­ca­tion du Con­seil de Sécu­rité de l’ONU. Quand on con­naît les con­nivences et les com­bines mafieuses qui exis­tent entre le gou­verne­ment turc et Daesh, on a toutes les raisons de porter l’alarme, puisque les pop­u­la­tions civiles, et les Kur­des au pre­mier chef, vont en subir toutes les conséquences.

Nous n’avons pas de con­fi­ance par­ti­c­ulière dans les “insti­tu­tions inter­na­tionales”, mais à min­i­ma, deman­der à nos gou­verne­ments qu’ils les sai­sis­sent et cessent de suite de soutenir ouverte­ment “le ter­ror­isme de l’ar­mée turque” en faisant mine de croire qu’il s’ag­it de “retour à l’or­dre”… relève du bon sens.

Il faut réfléchir vite à la mise en place de sol­i­dar­ités actives, tant pour le Roja­va et sa lutte con­tre Daesh, que pour les larges frac­tions des Peu­ples kur­des et turcs qui récla­ment la paix civile, et le départ du gou­verne­ment AKP.

 

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