Ce reportage avait été pub­lié en 2013 par le jour­nal Radikal. Nous trou­vons utile de le traduire parce qu’il apporte un éclairage et des élé­ments pour mieux com­pren­dre les événe­ments d’au­jour­d’hui. Surtout ne pas oubli­er que l’ar­mée turque est une armée de con­scrip­tion (une armée qui n’est pas majori­taire­ment con­sti­tuée de pro­fes­sion­nels mais d’ap­pelés pour 12 mois obligatoires).


T.A. a fait son ser­vice mil­i­taire comme com­man­do mon­tag­nard, en 1997 à l’Est et Sud-Est de la Turquie. Il apporte son témoignage à son tour, encour­agé par la démarche récente d’un autre appelé en ser­vice en 1994, qui a déposé son témoignage auprès du Pro­cureur de République Osman Coşkun, chargé d’enquêter sur les assas­si­nats dont les « auteurs » sont tou­jours incon­nus à nos jours. Ce témoignage con­fir­mait l’existence du « batail­lon d’incendie de vil­lages » dont l’appelé avait fait par­tie. Les paroles de T.A. n’en dis­ent pas moins, à la fois sur les con­di­tions des sol­dats turcs, leur endoc­trine­ment, l’insuffisance de leur for­ma­tion, et la souf­france des vil­la­geois pris entre deux feux, mais aus­si les moti­va­tions et les ressen­tis des com­bat­tants kurdes.

Com­ment a com­mencé votre ser­vice militaire ?

A Kay­seri nous étions très motivés pour aller faire notre ser­vice mil­i­taire. J’ai même avancé l’ âge pour y aller au plus vite. Après une for­ma­tion de 75 jours au Batail­lon de Com­man­dos mon­tag­nards à Eğridir, nous sommes passés au camp d’ Elazığ. J’ai vu les véhicules et les armes que je ne voy­ais que dans les films, seule­ment en allant du camp d’Elazığ à Tunceli. C’était comme si on allait au delà des fron­tières. Nous étions entourés de blind­és, de chars. Nous avons rejoint la 4ème Brigade de com­man­dos à Tunceli et nous avons com­mencé à par­ticiper aux opérations.

Où faisiez vous des opérations ?

Partout où il y avait des inci­dents. Nous inter­ve­nions à Bingöl/Genç, Diyarbakır/Lice-Kulp, toutes les com­munes de Tunceli comme Ovacık, Pülümür, Nazmiye, Çemişgezek, les rives de la riv­ière Kul. Dans les atten­tats de poste de gendarmerie/police, les fusil­lades, notre brigade était numéro 1. On nous y envoy­ait tou­jours, nous.

Avez-vous brûlé des vil­lages pen­dant les opéra­tions ? Avez vous par­ticipé à ce genre d’intervention ?

C’était une opéra­tion d’hiver dans la com­mune Çiçek­li de Tunceli. Nous étions tombés dans la nuit, dans un guet-apens, et avions été pris dans des feux croisés. 7 de nos amis étaient blessés et un était mort en mar­tyr. Nous avions besoin de lumières pour les pre­miers soins des blessés. Nous sommes descen­dus dans le vil­lage qui se trou­vait en bas de la colline, mais quand nous avons frap­pé à leur porte, les vil­la­geois ne nous ont pas ouvert. C’était un vil­lage de 6, 7 foy­ers. Puisque nous ne savions rien du passé de cette région, nous ne com­pre­nions pas pourquoi les vil­la­geois ne nous aidaient pas. Nous ne savions rien de l’oppression qu’ils avaient subie. Le fait qu’ils ne nous aident pas, a aug­men­té notre haine. Nous avons atten­du l’arrivé des blind­és. Nous avons été obligé de porter les blessés, les charg­er et les ren­voy­er avec les véhicules.

Ensuite ?

La mort de notre ami, nous avait démoral­isé. Le com­man­dant de la brigade a don­né un ordre, 3, 4 jours après. Nous allions à une opéra­tion de repré­sailles dans un vil­lage de Çiçek­li, com­mune de Tunceli, qui se trou­vait der­rière la colline sur lequel l’affrontement précé­dent avait eu lieu. Dans l’état psy­chologique dans lequel on se trou­vait à ce moment, nous voyions tout en noir. Tout le monde s’est pré­paré dans une grande inquié­tude. Un ami que nous aimions beau­coup était tombé « mar­tyr », nous étions prêts à tir­er sur une four­mi qui tra­verse. Notre sec­tion comp­tait 100, 150 sol­dats en arrivant au vil­lage. Nous avons mis le feu à deux maisons du vil­lage. Les maisons ont com­mencé à brûler. Ensuite nous avons tiré sur les mai­son, avec des armes lour­des. Nous avons util­isé des lances flammes, lances-roquettes, mortiers, nous avons mis le vil­lage à terre. Je suis entré dans une des maisons, il n’y avait per­son­ne. J’ai ren­ver­sé le fri­go, j’étais très en colère. Je pense qu’ils étaient infor­més d’une prochaine opéra­tion, ils avaient évac­ué le vil­lage. Il n’y avait per­son­ne dans le vil­lage. Les vil­la­geois, en voy­ant leurs maisons brûler sont revenus plus tard. Nous avons regroupé les hommes et nous les avons emmenés à la poste pour les interroger.

reportage-service-militaire-turquie-3

Y‑avait-il des sol­dats qui mour­raient par acci­dent, ou des cas de suicide ?

J’ai vu lors de l’opération Murat‑8, que plusieurs sol­dats sont morts pour rien. Il y avait beau­coup d’accidents, des sol­dats qui se tiraient dessus, qui tombaient des falais­es, ou les sol­dats qui se tiraient entre eux. J’ai vu 11 sol­dats périr, car ne pou­vant plus sup­port­er [la soif] ils étaient descen­dus près de la riv­ière, et la brigade posi­tion­née dans les hau­teurs les avait pris pour l’ennemi. Nos sacs à dos étant très lourds, nous étions oblig­és de marcher fusil sus­pendu. En tra­ver­sant des régions forestières, la sécu­rité des fusils sautait plusieurs fois. A une deux­ième accroche, le fusil tirait en atteignant le sol­dat qui mar­chait devant. Cer­tains util­i­saient leur fusil comme canne. Plus ils étaient fatigués, plus ils s’y appuyaient et se pen­chaient dessus. Il suff­i­sait que son sac, un bout de vête­ment, ou de botte touche la gâchette, il se tirait dessus. J’ai aus­si témoin de la mort de deux amis, en tombés de la montagne.

Com­ment sont-ils tombés ?

Lors d’une opéra­tion nous nous sommes trou­vés sur une cime très pointue. On nous a ordon­né de mon­ter les tentes. C’était qua­si impos­si­ble. Mais il fai­sait très froid, nous étions oblig­és, sinon nous seri­ons mort gelés avant le jour. Là-bas, le pied d’un sol­dat a glis­sé et il est tombé des falais­es, il est mort. Je ne sais pas com­ment ils ont qual­i­fié cette mort, si ce sol­dat a été con­sid­éré comme mar­tyr ou dégât d’opération. J’ai été témoin de sui­cide de 5 amis sol­dats. Finale­ment, tu vas à l’Est avec juste 75 jours de for­ma­tion. Ce n’est pas suff­isant pour résis­ter là-bas.

reportage-service-militaire-turquie-1

Vous ne vous demandiez jamais ce que vous faisiez sur ce rocher en haut de la montagne ?

Les ques­tion­nements arrivent au retour du ser­vice mil­i­taire. Mais mal­gré cela il y a eu des moment où je me demandais. Tu pars pour un objec­tif, mais il ne se passe rien. On ne te don­nait pas l’ordre de tir­er, même quand tu les [les com­bat­tants] voy­ais. Puisque j’étais éclaireur, je por­tais le gilet par-balles et les jumelles noc­turnes. Le fait qu’on ne nous autorise pas à tir­er, alors que nous avions repéré les mil­i­tants du PKK, nous sur­pre­nait. Et on se demandait pourquoi on était mon­té à la montagne.

Vous aviez dit que des armes et effets de guéril­las était envoyés d’Ankara. Qu’avez-vous fait avec ?

Nous nous dégui­sions en com­bat­tants de PKK et en for­ma­tions de 10 per­son­nes, nous vis­i­tions les vil­lages, afin de pren­dre la tem­péra­ture des vil­la­geois. Puis nous ren­dions des rap­ports sur leur com­porte­ment, leur accueil.

Dans quelle opéra­tion et quelles con­di­tions avez-vous été blessé ?

Nous étions dans la région d’Ovacık à Tunceli. Nous avons marché des heures et des heures. Mais pen­dant la marche ils ne nous ont pas per­mis d’allumer le détecteur de mines. Ils nous ont dit « Pas besoin ». C’était la dernière por­tion avant de posi­tion­ner les sol­dats sur la colline dom­i­nant la région. J’étais avec un copain qui por­tait une caméra ther­mique et son sec­ond et un autre sol­dat. Je leur ai dit de pass­er dans cette por­tion. Dès que le copain avec la caméra est entré dans le ter­rain, nous avons sauté tous les qua­tre. Je n’ai pas com­pris ce qu’il s’est passé, je n’ai vu qu’une boule de feu. Nous avons été pro­jetés dans des direc­tions dif­férentes. Eux, ils cri­aient, ils étaient grave­ment blessés. Moi, c’était léger. Une par­tie de mon pied était arrachée. Ensuite une héli­co Sko­rs­ki est arrivé et nous a trans­portés à Elazığ. Notre ami qui avait marché sur la mine est devenu mar­tyr à l’hôpital. Autour de 5h, l’autre l’a suivi. Il y avait un sol­dat qui n’était en ser­vice que depuis 15 jours. Je suis allé le voir dans sa cham­bre. Ses yeux étaient arrachés. Je lui ai demandé « Com­ment vas-tu mon grand ? ». Il m’a répon­du « Mon Ser­gent, grâce au Dieu, j’en deviens. [mar­tyr] » C’était la dernière phrase qu’il a pronon­cé. 25 min­utes plus tard il était mort, « mar­tyr ». Tous les trois sont morts. Je n’ai pas eu autant de chance.

Y a‑t-il des mil­i­taires gradés qui sont morts ?

Ce n’est pas pos­si­ble. Ceux qui sont devant, et qui vont à la mort, c’est tou­jours les sol­dats. Et les sol­dats sont incon­scients, non for­més. La for­ma­tion qu’ils ont c’est « couché, debout, ram­per », c’est tout.

reportage-service-militaire-turquie-

Il n’est pas curieux que depuis des années, un seul enfant de min­istre, d’un député ou d’un haut cadre ne soit mort dans cette guerre là-bas ?

Tout au long de mon ser­vice mil­i­taire je n’ai jamais enten­du la mort d’un Préfet, d’un Maire ou un député. Les hommes là-bas, sont des enfants de l’Anatolie et leur amour inno­cent du pays, leurs sen­ti­ments ont été instru­men­tal­isés. Et il ont fait ça par la voie des médias et la presse.

Pourquoi vous accusez les médias ?

Parce que les infor­ma­tions à la télé, dans les jour­naux, reflé­taient l’image des habi­tants de l’Est comme des ter­ror­istes enne­mis des habi­tants de l’Ouest. Si un fusil tirait par erreur, le soir, dans les infos, une nou­velle était fab­riquée comme si tout Diyarbakır s’était uni et fai­sait la guerre con­tre l’armée turque. Ils met­taient des manchettes comme « Dans un affron­te­ment à Diyarbakır, 3 sol­dats sont devenus mar­tyrs et 10 guéril­las PKK sont tués ». Après en regar­dant de près le con­tenu, il par­lait de tel vil­lage, tel hameau, les citant comme com­mune de Tunceli, Diyarbakır, Bingöl, or ces lieux n’avaient rien à voir avec ces villes. Les fauss­es infor­ma­tions des médias ont ren­du l’Ouest de la Turquie aveu­gle. Et cette céc­ité a trans­for­mé les gens en enne­mi des Kur­des. En tant que peu­ple turc, nous avons ten­dance à croire facile­ment les « on dit », et nous con­stru­isons des préjugés. Les gens com­mentent ce qu’ils enten­dent comme infor­ma­tion et se com­por­tent en les prenant en compte [comme seule réal­ité]. La vérac­ité des infor­ma­tions n’est jamais ques­tion­née. C’est pour cela que les médias sont respon­s­ables du sang des morts. Les con­di­tions psy­chologiques dans lesquelles se trou­vaient les sol­dats, là-bas, n’ont jamais tra­ver­sé les télés. Nous avions juste un truc appris par coeur « patrie — hon­neur » et tout est fait pour ça. Nous n’étions aucune­ment con­scients de ce qu’il se passait.

reportage-service-militaire-turquie-5

Qu’est-ce qu’il se passait ?

Une com­bat­tante qui s’est ren­due à notre brigade, avait ri de nous « Vous ne pou­vez jamais être aus­si rapi­de que moi, même pas un dix­ième. Vous venez ici avec une for­ma­tion de 60, 70 jours dans un unité de bleus, nous, nous sommes ici depuis des années ». Elle nous a indiqué une de leurs cachettes. Nous y avons trou­vé 12 armes. Il y avait beau­coup de choses dans les grottes. Elles étaient toutes comme des locaux mil­i­taires. Nous y avions trou­vé des ordi­na­teurs, imp­ri­mantes, direc­tives et plans d’opérations. Il y avait tous les détails des opéra­tions à venir, lieux, heures… Dans une de ces grottes j’ai trou­vé le jour­nal intime d’un com­bat­tant. Je l’ai gardé. Après l’avoir lu, j’ai com­pris qu’ils se bat­taient pour une cause. Ils appelaient eux aus­si, leurs morts « mar­tyrs ». Ils venaient chercher les corps de leurs amis morts, quoi qu’il arrive. Je me sou­viens encore quelques phras­es du jour­nal. « Même si les forces enne­mies vien­nent avec des chars, et des canons, nous allons y revenir pour venger le sang de nos mar­tyrs ». Nous con­sid­érons nos sol­dats morts comme des « mar­tyr s», eux aus­si… Qui est vrai­ment mar­tyr dans tout ça ? Pour moi il n’y a de mar­tyr nulle part. Parce que celui qui est mort, celui qui tue, c’est Mehmet et Ahmet… Je ne peux pas accepter un con­cept de mar­tyr comme ça.

Etait-il pos­si­ble d’éviter toutes ces morts dès le départ ? A votre avis pourquoi cela n’a pas été fait ?

Dans les unités de l’Ouest les ser­gents engagés les moins gradés ont un salaire de 425 TL, or dans le Sud-Est, un ser­gent spé­cial­isé et qui par­ticipe aux opéra­tions touche 1275 TL de salaire. C’est à dire le triple. Ils ne voulaient pas sor­tir cette région du dis­posi­tif OHAL [dis­posi­tif force majeur]. De nom­breuses opéra­tions étaient effec­tuées pour rien. Les rations don­nées étaient pour rien. Tout cela était une perte pour l’Etat. Si c’était voulu, cela pour­rait être pu empêché. Cer­taines per­son­nes vont voulu que cette guerre per­dure. Cer­taines per­son­nes ont voulu que les sol­dats et l’Est, c’est à dire les Kur­des péris­sent. Si ce n’était pas voulu, le proces­sus de paix serait réal­isé depuis des années. Je ne sais pas qui don­nera le compte des per­son­nes mortes par une balle per­due, c’est à dire une balle de 70 kuruş [cen­times turcs]. Tout est néant. Jusqu’aujourd’hui plus de 30.000 per­son­nes sont mortes. Mon­trez-moi un seul béné­fice, ça a servi à qui ?

La colère et la haine que vous aviez en vous en allant au ser­vice mil­i­taire a duré com­bi­en de temps ?

Ma colère et ma haine ont dis­paru 10 ans après mon retour du ser­vice mil­i­taire. La pop­u­la­tion de cette région est entre deux feux. Ils subis­saient la guéril­la la nuit, les mil­i­taires le jour. Il était évi­dent qu’en n’aidant pas l’un ou l’autre ils auraient des dif­fi­cultés. Imag­inez, vous êtes chez vous, avec vos enfants, vous êtes à table en famille, la porte est cassée par un coup de pied. 3, 5 mil­i­taires de forces spé­ciales entrent dans la mai­son. Ils vous met­tent debout, ils crachent à votre vis­age, ils vous insul­tent, ils vous giflent. Les enfants qui voient cela, aimeront-ils les mil­i­taires ou les haïront-ils ? Il faut com­pren­dre ces enfants assis à cette table, il faut avoir de l’empathie avec eux. Ces enfants ont main­tenant gran­dis. Com­ment peut-on atten­dre qu’ils por­tent un amour pour la police, l’armée qui a don­né des coups de pieds à la table ? Je donne rai­son à ces gens, parce que l’oppression qu’ils ont subie est trop forte. Si l’Ouest de la Turquie en subis­sait la moitié, il y aurait une guerre civile. Les gens de l’Ouest sont tran­quilles, ceux de l’Est en souf­frent toujours.

Avez-vous autre chose à ajouter ?

Toute ma jeunesse j’ai rêvé d’être com­man­do. J’ai rêvé d’aller à l’Est et faire la guerre. Nous nous sommes adap­tés à ce qu’on entendait, qu’on voy­ait dans les médias. Nous n’avons pas agi en con­nais­sance des réal­ités. Je suis curieux de savoir une chose, je suis turc et tu es kurde, en ce moment, nous dis­cu­tons, assis face à face. Si la Turquie entre en guerre avec un autre pays, qui quit­terait la navire ? Toi, ou moi ? Lequel ? Je suis sûr que nous nous retrou­ve­ri­ons sur le même front, côte à côte.


Rap­pel­er aujour­d’hui que l’ar­mée turque est une armée de con­scrip­tion, c’est à dire d’ap­pelés, aux­quels peu de garçons de class­es pop­u­laires échap­pent, pas même les étu­di­ants, c’est rap­pel­er que s’adress­er à ces appelés reste impor­tant pour l’avenir de la “paix civile”, même si l’en­cadrement et l’abrutisse­ment, alliés à la pro­pa­gande nation­al­iste est un mur dif­fi­cile à franchir. Ce sera un des élé­ments néces­saires de la cam­pagne pour la paix civile en Turquie.
Rap­pelons aus­si que ce n’est pas par paci­fisme bêlant que nous écrivons cela (nous soutenons les com­bat­tants kur­des de Kobanê et les vic­toires qu’ils rem­por­tent sur Daesh) mais parce que l’u­nite du peu­ple kurde et turc sera le seul moyen de se débar­rass­er des big­ots d’Erdoğan. 

En com­plé­ment, pour celle et ceux qui préfèrent des images, un numéro de “A vous de juger” de 2011, lui aus­si utile en ce moment.

Naz Oke on EmailNaz Oke on FacebookNaz Oke on Youtube
Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.