Je me sou­viens, plusieurs enfants de mes amis proches avaient fait leur ser­vice mil­i­taire dans les années 90 dans les com­man­dos à l’Est ou au Sud-Est de la Turquie. Une par­tie de ces goss­es sont ren­trés blessés dont cer­tains grave­ment atteints ont survé­cus mirac­uleuse­ment. D’autres sont morts. C’était des jeunes gens, qui aimaient leur pays, leur peu­ple. Puisqu’ils voy­aient à la télé, dans la presse qu’il y avait une guerre menée con­tre les kur­des à l’Est du pays, ils sont par­tis, motivés, remon­tés, en colère et leur famille les a mis dans les cars tam­bours et clarinettes…

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Ceux qui ont pu revenir racon­taient leurs expéri­ences sans mâch­er leurs mots. Leurs regards étaient changés.

vieille-dame-pleureJe me sou­viens très bien de leur pro­pos, de leur ver­sion des faits. Les choses n’étaient pas comme « vu à la télé ». Pas du tout. C’est en les écoutant que j’ai réal­isé que des enfants turcs ou kur­des mour­raient pour rien. Les témoignages de ces jeunes, dupés, trau­ma­tisés m’ont fait voir plus clair, comme beau­coup de mères qui ont récupéré ou per­du des fils. Kur­des ou turques, peu importe, ces mères n’ont d’ailleurs pas cessé de le crier sur les toits depuis les années 90.

 

Je relis aujourd’hui le témoignage d’un d’entre eux. Qu’on ne vienne pas me dire « le mec, il peut racon­ter ce qu’il veut, qui dit que c’est la vérité ? ». Je lis dans ce reportage exacte­ment les mêmes mots que ceux que j’ai enten­dus il y a 20 ans, dans la bouche des jeunes revenants, écroulés sur le canapé, dans la mai­son des par­ents, dans la sécu­rité retrou­vée et le cocon famil­ial apaisant.


.Lire l’ar­ti­cle Témoignage d’«appelé» en zones kurdes 


J’entends les voix des mères gron­der. Des mères turques, des mères kur­des, des mères d’enfants morts ou risquant la mort si on ne dit pas stop !… Elles appel­lent les autres mères à s’unir pour la paix. Qu’est-ce qu’une mère si elle n’est pas un rem­part pour son enfant ?

J’ai tou­jours pen­sé que les change­ments seraient l’oeuvre de la volon­té et des luttes des femmes. Là, c’est elles qui se mobilisent pour la paix.

Je sais que le ser­vice mil­i­taire représente quelque chose dans la tête des turcs. Le lieu et la péri­ode où on devient un homme. Et puis « Chaque turc nait sol­dat » dit-on… Si pen­dant les défilés de fêtes nationales on aperçoit des petites larmes qui per­lent au coin des yeux, c’est surtout pour le pau­vre petit Mehmet, appelé, qu’on met au front. Vu qu’avec l’arrivée du « ser­vice mil­i­taire payant », c’est à dire « acheté », bizarrement les goss­es des ric­hous n’ont plus besoin de se met­tre en uni­forme, ni en dan­ger pour devenir des hommes. Ca reste le sort du Mehmet.

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Dans l’ambiance enven­imée de ces derniers 10 jours, les grands dirigeants du pays tit­il­lent les sen­ti­ments de patri­o­tisme par des dis­cours héroïques. En enten­dant se répéter dans un écho inter­minable des phras­es du genre : « Si néces­saire nous nous sac­ri­fierons pour la patrie, nous mêmes et nos enfants !». Je me suis dit : Ah oui ? Ils par­lent sans doute tou­jours du même Mehmet, qui n’est cer­taine­ment pas fils de min­istre, maire, ni député. Je ne dois pas être la seule à dire « Ah oui ? », parce que les médias pub­lient des listes de fils, de gen­dres et de neveux d’élus et d’autres impor­tants qui n’ont pas fait leur ser­vice mil­i­taire. Vous avez dit sac­ri­fice ? Il y’en a que pour Mehmet.

Je demandais à ma soeur pourquoi tous les jeunes, partout en Turquie ne s’organisaient pas pour refuser la guerre, refuser de pren­dre l’arme, refuser le ser­vice mil­i­taire tout court. Elle m’a expliqué que tout le monde n’était pas sur ce point de vue et que cer­tains jeunes patri­otes demandaient encore à s’enrôler dans l’armée en ce moment, pour aller tuer du Kurde…. Il faut les com­pren­dre aus­si, com­ment faire la part des choses si on entend la même chan­son qui mélange tout et crée un rac­cour­ci dans leur jeune tête con­fuse ; kurde=terroriste. Il parait que l’Armée a pub­lié un com­mu­niqué pour les remerci­er. Enfin pas pour la con­fu­sion, mais pour leur demande d’enrôlement.

Ma soeur m’a appris aus­si qu’il exis­tait déjà un mou­ve­ment qui refuse le ser­vice mil­i­taire. J’avais pen­sé avoir trou­vé une super idée. D’autres y avaient pen­sé aus­si. Je com­prends qu’on peut appren­dre à tout âge, même à 80 ans. On appelle donc, ceux qui refusent l’armée, «Les objecteurs de con­science ». Si clair et logique ce nom. Il existe une liste de sig­nataires et les argu­ments et moti­va­tions seraient devenus un livre : « N’allez pas au ser­vice mil­i­taire parce que »

Il est peut être temps de réu­nir toutes les forces pour faire revenir cette foutue paix. Les mères, les pères, les Mehmet qui ne veu­lent pas mourir et les Mehmet qui ne veu­lent pas tuer, qu’ils soient kur­des ou turcs.

C’est quand même pas com­pliqué à com­pren­dre bon sang ! Je vais vous expli­quer comme si j’expliquais à Bilal, le fils Erdoğan pas trop fut­fut :

Il n’y a pas d’autres solu­tion que la paix civile, sinon on va s’entretuer, pen­dant que le Sul­tan règn­era en pou­voir absolu.

Une mère de "Mamans de la Paix" discutant avec un soldat

Une mère de “Mamans de la Paix” dis­cu­tant avec un soldat

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Mamie Eyan
Chroniqueuse
Ten­dress­es, coups de gueule et révolte ! Bil­lets d’humeur…