Même si on doit se méfier comme de la peste des infos données ici par les médias dominants “Un nouveau front contre Daesh”, pas besoin de longs discours pour comprendre ce qui se joue en Turquie.
Les précédentes élections, qui ont vu l’AKP perdre sa majorité absolue et dont le résultat complique fortement la mise en place d’un gouvernement, donnent la clé de ce qui se déroule en ce moment.
La possibilité de retour aux urnes est telle, qu’affaiblir l’opposition de gauche, le HDP, tout en faisant mine de combattre Daesh est devenu l’obsession de l’AKP.
Profitant de ce que les kémalistes traditionnels soient divisés entre leurs sentiments anti kurdes récurrents, et que les nationalistes de la droite extrême aient fait un pas opportuniste vers eux, pour partager le pouvoir, l’AKP a lancé une pseudo offensive contre Daesh pour « défendre les frontières et protéger l’Etat turc ».
Même si ces plans d’offensive étaient déjà dans les tiroirs, on ne connaît pourtant que trop bien les réticences du gouvernement turc à intervenir auprès de la coalition. Les scandales sur les livraisons d’armes vers les « combattants islamistes » montrent de quel côté les alliances balancent.
C’est donc l’effet d’aubaine de l’assassinat des 32 jeunes à Suruç qui a décidé le gouvernement à agir.
Il conforte ainsi les nationalistes, en arrêtant de façon homéopathique des membres de Daesh présents en Turquie et en acceptant de bombarder quelques positions. Il en profite, toujours avec l’assentiment des nationalistes et de certains milieux kémalistes, pour affaiblir également les positions kurdes en Syrie.
Le Premier Ministre, Davutoğlu déclarait d’ailleurs hier :
La Turquie ne permettrait jamais à une quelconque organisation terroriste de s’installer à ses frontières.
Sur le plan intérieur, les arrestations (près de 300 officielles) se font ultra majoritairement parmi les milieux d’opposition et visent même des cadres du HDP, traités comme des terroristes.
Il y a beaucoup à craindre de cette alliance « tacite » entre la droite nationaliste, l’AKP et le silence intéressé des kémalistes, qui n’ont toujours pas « digéré » le score récent du HDP, devenue désormais la seule opposition unie de Turquie.
Les 32 de Suruç sont assassinés une deuxième fois, tant leur mort est instrumentalisée par l’AKP et volontairement relativisée par les autres partis intéressés par leurs futurs scores.
Les partis traditionnels turcs sont en train de faire campagne sur leurs tombes, en bernant l’opinion internationale sur une soit disant offensive contre Daesh, et avec le soutien de l’ensemble des états européens, comme celui des Etats Unis.
Après le revirement récent du gouvernement grec, sous la pression des banquiers et des oligarchies financières, voilà que l’Europe regarde d’un bon œil la répression contre une gauche radicale turque qui venait elle aussi contrarier la géopolitique de la région.
Ajout FLASH à 17h15 :
Après des bombardements par l’armée turque sur des positions kurdes à la frontière, le PKK a déclaré qu’en interne en Turquie les conditions du cessez-le-feu n’existaient plus. On peut s’attendre donc à une reprise d’hostilités entre les zones kurdes et l’Etat turc. C’était le but recherché. Avec ça l’AKP peut espérer former ou une coalition gouvernementale ou gagner les futures élections.
Une grande marche est prévue pour demain, dimanche 26 juillet à Istanbul (Taksim et Kadıköy) “Grande Marche pour la Paix, l’AKP veurt la guerre, c’est nous qui allons construire la paix.” et parallèlement un appel anarchiste est lancé pour manifester devant les consulats turcs en France .
Ajout à 17h58 : La Préfecture d’Istanbul a interdit la marche pour motif “sécurité de la population”.