Pour te planter le décor, la région autonome ouïghoure du Xin­jiang où se trou­ve le Turkestan ori­en­tal, partage ses fron­tières avec sept pays.

Le Xin­jiang compte une pop­u­la­tion d’environ 20 mil­lions d’habitants.

Les rela­tions entre la Chine et le peu­ple ouïghour majori­taire­ment musul­man de la province de Xin­jiang sont ten­dues à cause de la posi­tion stratégique de la province sur la fron­tière chinoise.

Depuis 1955, des organ­i­sa­tions séparatistes ouïghoures qui se sont suc­cédées au Xin­jiang récla­ment l’indépen­dance de ce qu’elles nom­ment le Turkestan ori­en­tal ou Ouïghourstan.
De nom­breux trou­bles ont éclaté entre la pop­u­la­tion ouïghoure et le gou­verne­ment chi­nois qui refuse évidem­ment toute vel­léité indépen­dan­tiste, et mène depuis 1955 une poli­tique de sin­i­sa­tion du Xin­jiang, qui s’est d’ailleurs accélérée dans les années 1990.

Après l’éclatement d’émeutes en 2009 entre des ouïghours et des chi­nois Han de la cap­i­tale Urumqi, le gou­verne­ment chi­nois avait réprimé la minorité ouïghoure.
Le Pre­mier min­istre turc de l’époque, Recep Tayyip Erdo­gan, avait con­damné la sit­u­a­tion en la qual­i­fi­ant de “qua­si-géno­cide”, tan­dis que le min­istre du Com­merce et de l’Industrie, Nihat Ergun, avait appelé à boy­cotter les pro­duits chinois.

Des groupes ouïghours et des mil­i­tants des droits de l’homme con­damnèrent les poli­tiques de répres­sion chi­nois­es qui, selon eux, avaient entraîné les vio­lences, mais Pékin démen­tit ces accu­sa­tions (Le vice-min­istre chi­nois des Affaires étrangères, Zhai Jun, avait qual­i­fié les remar­ques d’Erdogan d’“irresponsables”).

Les rela­tions entre Ankara et Pékin sont, depuis, quelque peu tendues.

Or, selon l’agence de presse Anadolu, une inter­dic­tion de jeûn­er durant le mois de Ramadan aurait été imposée aux citoyens ouïghours, les autorités chi­nois­es com­mu­nistes au pou­voir étant athées. Ce qui aurait été reçu comme une nou­velle provocation…

Ain­si qu’on pou­vait s’y atten­dre, les infor­ma­tions selon lesquelles les musul­mans ouïghours du Xin­jiang étaient empêchés de jeûn­er pen­dant le Ramadan ont sus­cité de vives réac­tions en Turquie.

Nom­breuses man­i­fes­ta­tions en sol­i­dar­ité avec les ouïghours, notam­ment dans les villes d’Istanbul, Yalo­va et Çanakkale, regroupant quelques cen­taines de per­son­nes (c’est à dire pour un pays comme la Turquie capa­ble de mobilis­er des mil­lions, 3 fois triplettes), en général dans le calme.
Avec quelques exceptions…

Same­di 4, devant le palais de Top­kapı au cœur de la vieille ville d’Istanbul, des mem­bres d’un groupe ultra­na­tion­al­iste (Ülkü Ocak­ları) s’en sont pris à un groupe de touristes sud-coréens, les con­fon­dant avec des Chi­nois sous le pré­texte qu’ils avaient eux aus­si les yeux bridés (source: quo­ti­di­en Mil­liyet). La police s’est portée au sec­ours des touristes en usant de gaz lacry­mogènes con­tre les manifestants.

Le même jour, dans la province de Balıke­sir (ouest), des mil­i­tants nation­al­istes ont pen­du une mar­i­on­nette de Mao Zedong à un échafaud en appelant, comme en 2009, au boy­cott des pro­duits chinois.

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Ven­dre­di 3, un petit groupe de 5 ou 6 indi­vidus avait attaqué un restau­rant chi­nois de Tophane, dans l’arrondissement de Bey­oğlu, brisant sa vit­rine. Encore raté : Cihan Yavuz, le pro­prié­taire du Hap­py Chi­na, est un citoyen turc et son chef cuisinier, lequel a été un peu mal­mené, un Turc ouïghour.

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Cette série d’attaques n’a pas échap­pé au site inter­net satirique Zay­tung (équiv­a­lent turc du Gorafi), lequel a par­o­dié ces actes vio­lents de vengeance sur des indi­vidus n’ayant aucun lien avec les autorités chi­nois­es mis­es en cause.

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Zay­tung : “La sec­tion de Buca du MHP qui a enfin réus­si à taper sur des vrais chi­nois est devenu la fierté des ultranationalistes.”

Zay­tung fait rire de l’id­i­otie des ultra­na­tion­al­istes mais le sou­tien aux Ouïghoures per­sé­cutés trans­for­mé en haine envers tout chi­nois fait froid dans le dos. Cette haine ultra­na­tion­al­iste et xeno­phobe s’ex­prime sans gène dans la rue, par des mots glaçants.

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Pan­car­te accrochée dans le quarti­er Atase­hir, à Istan­bul.
“L’odeur du sang chi­nois nous manque”

La semaine dernière, 173 femmes et enfants ouïghours ont rejoint la Turquie, rap­porte le quo­ti­di­en Hür­riyet. Avec cette nou­velle arrivée, les réfugiés ouïghours seraient désor­mais près d’un mil­li­er à Kay­seri (cen­tre de la Turquie), où beau­coup d’entre eux sont hébergés.

Ven­dre­di, la Turquie a dit qu’elle accueillerait volon­tiers les migrants ouïghours qui fuient les per­sé­cu­tions en Chine, ce qui risque d’attiser les dis­sen­sions entre Ankara et Pékin sur le traite­ment de sa minorité turcophone.

La Chine a, quant à elle, demandé à ses ressor­tis­sants qui vivent ou voy­a­gent en Turquie de faire preuve de prudence.

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Anne Tem­pel­hoff pour Kedistan

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