Sous cou­vert d’at­ta­quer Daech, Tayyip veut-il en finir avec les kur­des syriens dans le but de faire l’u­nion avec les nationalistes ?

Depuis plusieurs jours des rumeurs d’une prob­a­ble et immi­nente attaque mil­i­taire de la Turquie sur la Syrie provo­quaient des réac­tions dans la presse et sur les réseaux soci­aux. Des cam­pagnes pour le « Non à la guerre en Syrie » ont aus­sitôt été lancées.

Néan­moins, aucune déc­la­ra­tion offi­cielle sur ce sujet n’ayant encore été faite, et ces infor­ma­tions informelles étant relayées unique­ment par les médias anti-AKP, aus­si émet­tions nous des réserves sur ce sujet.

Puis, le 28 juin, ce fut au tour de Yeni Şafak (l’aube nou­velle), quo­ti­di­en pro-AKP et con­nu par sa prox­im­ité avec les dirigeants, de pub­li­er les mêmes infor­ma­tions à son tour, général­isant la nou­velle qui s’est répan­due dans toute la Turquie. Aus­si avons-nous alors décidé de vous en faire part.

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Selon la presse Turque, qu’elle soit alliée au pou­voir ou con­tre lui, Ankara se serait mobil­isé après que Daech se soit retiré de Tal Abyad et qu’il se soit replié sur la ligne de Mare [à l’Ouest de Kobanê]. Ankara aurait donc entamé des pré­pa­ra­tions dans la per­spec­tive d’ un plan d’action à deux options afin de, tou­jours pré­ten­du­ment, sécuris­er la région Nord de Syrie.

Ces derniers jours plusieurs réu­nions se seraient suc­cédees entre l’Etat-major Général turc, le MIT (les Ser­vices de Ren­seigne­ments turcs) et les Min­istres. Tout en atti­rant l’attention sur le risque que le pop­u­la­tions civile et les forces d’opposition se trou­vant dans la région puisse devenir poten­tielle­ment des cibles, il aurait été décidé de con­stituer un boucli­er de pro­tec­tion. Les mil­i­taires et le MIT auraient alors décidé de ter­min­er un plan d’intervention pour ven­dre­di prochain.

Le dernier mot revient au Prési­dent de la République et au Pre­mier Ministre

Les risques que cette sit­u­a­tion déli­cate et mou­ve­men­tée pour­raient provo­quer ont été com­mu­niqués aux pays de la coali­tion, notam­ment aux Etats-Unis. (Rap­pelons ici qu’avec 900,000 hommes, la Turquie est, en numéraire de troupes, la sec­onde armée de l’OTAN et un point stratégique pour ce dernier dans la région). Le dernier mot devrait être don­né par le Prési­dent de la République, Recep Tayyip Erdoğan, ain­si que par le Pre­mier Min­istre actuel, Davu­toğlu. La Turquie désir­erait répon­dre à la vague de pro­pa­gande lancée con­tre elle dans l’opinion publique inter­na­tionale par l’en­voi d’un mes­sage clair « Nous sommes déter­minés à lut­ter con­tre Daech. ».

Des instruc­tions auraient été données

Suite aux 6 réu­nions du Con­seil de Sécu­rité réal­isées à Ankara, le Prési­dent de la République ain­si que le Pre­mier Min­istre auraient don­né des instruc­tions pour que les pré­pa­ra­tions mil­i­taires débu­tent. Davu­toğlu aurait trans­mis la déci­sion à l’Etat-major général et don­né l’ordre écrit à Necdet Özel, le chef d’é­tat-major général.

La réserve des militaires

Les mil­i­taires auraient des hési­ta­tions sur cet ordre écrit du Pre­mier Min­istre. L’Etat-major général aurait sig­nalé qu’une inter­ven­tion qui se serait entamée pour sécuris­er la ligne Mare au Nord de la Syrie, créerait de prob­lèmes dans le cadre du Droit Inter­na­tion­al. Le gou­verne­ment se pré­par­erait donc à faire face à cette éven­tu­al­ité. Le Min­istère des affaires extérieures ayant pro­gram­mé un plan de com­mu­ni­ca­tion pour expli­quer les raisons de cette inter­ven­tion à l’opinion internationale.

Dans un pre­mier temps les con­tacts seraient pris avec les Etats-Unis, la Syrie et l’Iran. Les con­di­tions de sécu­rité aux fron­tières syri­ennes seraient mis­es à plat en détail. L’ar­mée turque seraient sen­sée réduire son avancé dans une zone inférieure à 28 à 33 km selon les con­di­tions géo­graphiques, sur la zone frontal­ière de 110 km, entre Karkamış et Öncüpı­nar. On attendrait plus que les forces mil­i­taires turques entrent en Syrie, simul­tané­ment sur ces deux points.

18 mille mil­i­taires seraient mobilisés

46 mou­ve­ments de groupes armés seraient actuelle­ment observés dans la région. La région de Cer­ablus, à 28km de dis­tance de la fron­tière se trou­verait sous le con­trôle de Daech. Dans d’autres régions à 33 km de dis­tance, il est pos­si­ble que l’armée turque ren­con­tre les forces du régime Asad. Pour l’opération, 18 mille sol­dats de l’armée turque seraient mobil­isés. Mais la majorité des sol­dats atten­dront à la fron­tière, prêts à inter­venir, seule une par­tie des unités tra­verseront la frontière.

Deux scé­nar­ios seraient prévus.

Plan I

Tou­jours selon la presse Turque, La Turquie attir­erait l’attention sur le fait que les opéra­tions aéri­ennes organ­isées par les forces de la coali­tion sous la direc­tion des Etats-Unis, depuis 2 ans provo­queraient des boule­verse­ments dans la région et men­ac­eraient surtout la sécu­rité nationale de la Turquie.

La Turquie, en lien direct et con­tinu avec les Etat-Unis, se con­cert­erait par­al­lèle­ment avec les alliés de l’OTAN, méth­ode déjà été util­isé lors de l’opération Suley­man Shah en févri­er 2015. A cette occa­sion un sou­tien diplo­ma­tique avait déjà été obtenu auprès des Etats-Unis, l’OTAN, et la coali­tion. Forts de ce sou­tien si obtenu, les mil­i­taires turcs s’installeraient dans la région pour 2 ans.

Plan II

Dans le cas inverse, la Turquie se repli­erait sur le mod­èle « Sud Liban » et créerait alors une zone tam­pon. Pour ce type de pro­tec­tion de fron­tières un man­dat de l’ONU n’est pas oblig­a­toire, dans le cas où une sit­u­a­tion de dan­ger serait recon­nue. Dans ce cas de fig­ure, la Turquie qui se trou­ve face à une grande vague d’immigration provenant de la Syrie, pour­rait alors tenir la clé de la zone tam­pon uni­latérale­ment dans sa poche. Ce scé­nario néces­sit­erait une instal­la­tion des mil­i­taires turcs d’une plus coutre durée, car la Turquie en appor­tant son sou­tien et en for­mant les forces d’opposition pour­rait laiss­er la région sous le con­trôle des forces de l’Armée syri­enne libre et autres forces d’opposition.

Tayyip veut-il que nous pre­nions les enfants kur­des pour des canards sauvages ?

Bien évidem­ment, si ce scé­nario d’une entrée prochaine des Forces Turques en Syrie comme sem­blent le croire unanime­ment les médias turcs se con­fir­mait, à Kedis­tan, nous émet­te­ri­ons des réserves les plus vives quand à la véri­ta­ble volon­té du gou­verne­ment Turc d’en­tr­er sur le ter­ri­toire Syrien. (Il est à not­er au pas­sage que nos sources sur le ter­rain nous avaient déjà fait part de mou­ve­ments de troupes à la fron­tières kurde de Qamish­lo au moment de Noël.) D’une part, parce que, comme nous l’avons plus d’une fois mis en lumière, loin de lut­ter con­tre Daech, le gou­verne­ment AKP et les Ser­vices Secrets Turcs n’ont eu de cesse ces dernières années que de nour­rir l’or­gan­i­sa­tion ter­ror­iste, en four­nissant armes et muni­tions et don­nant asile à ses com­bat­tants. D’autre part, Ankara s’in­quiète cer­taine­ment de la mon­tée en puis­sance du renou­velle­ment poli­tique kurde dans la région, avec la créa­tion de Can­tons autonomes qui pour­raient fort bien don­ner des idées à leurs frères habi­tant de l’autre côté de la fron­tière, en ter­ri­toire turc. Enfin, renouer des liens de haines avec le MHP en attaquant les kur­des, n’est-il pas un moyen pour l’AKP, ayant per­du la majorité à l’assem­blée nationale, de faire de l’oeil au par­ti nation­al­iste MHP, afin de con­clure à une union gou­verne­men­tale ? Si aujour­d’hui même, le 1er juil­let, İsm­et Yıl­maz de l’AKP est élu Prési­dent de l’Assem­blée Nationale, avec l’ap­pui du MHP, est-ce vrai­ment un hasard ? Il ne faut pas oubli­er la déc­la­ra­tion d’Er­doğan du 27 juin : “J’en appelle au monde, nous ne per­me­t­trons jamais qu’un quel­conque Etat s’in­stalle à la fron­tière Sud de la Turquie. Nous con­tin­uerons notre lutte pour empêch­er cela, quelqu’en soit le prix.”

Vous com­prenez facile­ment le dan­ger qui existe dans les deux cas, pour les zones kurdes.
Plusieurs ques­tions se suc­cè­dent : S’a­gi­rait-il d’ une ten­ta­tive de l’OTAN pour tester une inter­ven­tion au sol via la Turquie ? Et quid des mil­lions de réfugiés syriens qui afflu­ent encore aujourd’hui ?

A suiv­re de près.

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