La plage d’Iztuzu se trou­ve à Orta­ca, com­mune du Muğla, près de Dalyan, cité bal­néaire assez con­nue des touristes français. Cette mag­nifique plage est d’une impor­tance vitale pour les tortues Caret­ta Caret­ta — aus­si appelées tortues carettes, Caouanne ou Caret — de la famille des “Che­loni­idae”, présentes dans le bassin Méditéran­néen de la Tunisie à Israeël ou du Liban, pour lesquelles on observe une forte régres­sion et qui sont donc de pré­cieuses per­les de la nature à protéger.

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Ne vous fiez pas au bébé qui se tient dans le creux d’une main, les adultes peu­vent peser jusqu’à 160 ou 180 kg et dépass­er le mètre. La plage d’Iz­tuzu fait par­tie de celles où ces tortues ont élues domi­cile. Elles investis­sent le sable fin d’Iz­tuzu, pour y dépos­er leurs oeufs tous les ans entre juin et septembre.

Les femelles déposent, tous les 2 ou 3 ans seule­ment, à env­i­ron 40 ou 50 cm de pro­fondeur dans le sable, une cen­taine d’oeufs, et cela de 4 à 7 fois durant cette sai­son cru­ciale la survie de l’e­spèce… Si les mères sont dérangées durant leur tâche, elles ne recou­vrent pas les oeufs, aban­don­nant leur nid pour retourn­er directe­ment à l’eau.

Si vous avez envie de faire un tour à Iztuzu, sachez que les tortues effec­tu­ant leur ponte durant la nuit, une bande de sable est pro­tégée en per­ma­nence durant la pondai­son et la plage vous sera inter­dite entre 18 h et 9 h. Les oeufs éclosent égale­ment durant la nuit, et les petites tortues à peine nées et grandes de 5 cm seule­ment vont immé­di­ate­ment se diriger vers la mer.

La vie de tortue est toute une aven­ture naturelle bien réglée. Si les riverains tien­nent à ces petites bêtes ce n’est pas pour rien. La tortue caret­ta caret­ta est une emblème dont on est fiers, au point que vous pour­rez crois­er une représen­ta­tion de cette tortue en taille géante, en train de s’ac­cou­pler en plein cen­tre ville de Dalyan.

L’été dernier les habi­tants et leur sou­tiens étaient sur le sable fin d’Iztuzu et très très en colère.

Le coin atti­rant beau­coup de touristes, est vive­ment con­voité par les pro­mo­teurs. Des pro­jets d’hôtel­lerie et de sites d’ac­cueil fleuris­sent partout, visant le prof­it rapi­de, sans véri­ta­ble plan­i­fi­ca­tion à long terme, comme d’habi­tude au détri­ment de la faune et de la flore.

Mais la plage d’Iz­tuzu pour le tré­sor qu’elle ren­ferme sous son sable fin devrait être prise en compte, n’est-ce pas ?

En juin 2014, tout ce petit peu­ple bien en colère s’é­tait rassem­blé pour pro­test­er con­tre la déci­sion de la Pré­fec­ture qui avait cédé pour 8 ans, la con­ces­sion de la plage à Dalçev, une société privée avec des asso­ciés bri­tan­niques. La société pro­je­tait d’ex­ploiter la plage, en y con­stru­isant une com­plexe hôte­lier. Cette belle journée de juin, 400 per­son­nes ont con­sti­tué une chaîne humaine, la main dans la main, et scan­dé d’une seule voix « C’est notre plage, nous la garderons !».

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Depuis, la lutte n’a pas cessée. Une procé­dure de jus­tice a été ouverte afin de pro­téger Iztuzu des pel­leteuses et du béton des pro­mo­teurs immo­biliers sans scrupules.

L’en­tre­prise Dalçev n’ayant pas froid aux yeux, elle non plus n’a pas quit­té l’arène… Elle n’a pas hésité à vio­l­er la loi qui lui inter­dit tout travaux durant le procès en cours. La nuit du 28 décem­bre les machines de Dalçev ont pris le chemin de la plage, pour débuter des travaux. Cette ten­ta­tive a pu être empêchée par les habi­tants et avec l’intervention des gen­darmes. Et ce qui est inoui : pour une fois, les forces de l’or­dre ont viré les machines et non pas les résistants !

Les habi­tants, les sou­tiens et les organ­i­sa­tions de la société civile se sont donc réu­nis dans un élan de sol­i­dar­ité, pilotée par l’IKUP (La Plat­forme de Sauve­tage du Rivage d’Iztuzu). Des tours de gardes ont été organ­isés à l’entrée de la plage. Un groupe de résis­tants avait alors fêté la nou­velle année sur la plage.

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Bonne année !

En atten­dant la déci­sion du Tri­bunal, la plage d’Iztuzu appar­tient au peu­ple et doit être gérée par la Mairie d’Ortaca, comme d’ailleurs cela a tou­jours été  le cas. Bina Cey­lan, la porte parole de l’IKUP pré­cise : « La Mairie a tou­jours respec­té son engage­ment, réglé les frais de loca­tion en temps en heure au Min­istère de l’Environnement, pro­tégé la nature, et les béné­fices des plages ont été util­isés pour des ser­vices publiques. Mal­gré cela, les plages sont louées aux privées sous le manteau. »

Vous vous deman­dez peut-être ce que devi­en­nent ces plages exploitées par le privé ?

Si un hôtel ne voit pas le jour et la plage “reservée aux clients” n’est pas entourée de beaux bar­belés, c’est à dire dans les meilleurs des cas, alors la plage risque de pren­dre des allures de “club privé”. Eh bien, on com­mence par les béton­ner parce que le sable colle aux fess­es n’est-pas ? On met des chais­es-longs et para­sols à louer, comme la mairie le fait mais le bénéf est pour l’en­tre­prise. Ce qui est impor­tant c’est le ser­vice, le bar, le restau­rant, et le fast­food pour les moins rich­es… Pourquoi pas quelques jeux pour enfants et un grand park­ing… Et puisqu’il faut amuser tout ce beau monde de gros beaufs, on met une touche finale en dif­fu­sant par haut-par­leurs posés tous les 10 mètres de la musique, enfin plutôt de la daube et de la bien bruyante de préférence…

Bonnes vacances !

J’ai fait per­son­nelle­ment l’ex­péri­ence. Elle n’a durée que quelques heures de tor­ture, juste le temps de tenir par politesse envers les amis qui m’y avaient invitée. Impos­si­ble d’en­ten­dre un quel­conque clapo­tis, ni lire une page entière de mon livre.

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C’est beau, non ? (et encore, tu n’as pas la musique)

En effet, en Turquie, comme partout, les zones pro­tégées sont con­sid­érées comme un quel­conque pro­duit com­mer­cial, et donc de la marchan­dise à exploiter. S’il y a des plantes endémiques, des espèces ani­males à pro­téger, on s’en fout. Qu’elles ail­lent se faire voir les tortues car­ret­ta caretta….

Ca vous rap­pelle quoi ? Ah, encore une ZAD tiens !

Et où en est-elle la plage d’Iz­tuzu en ce moment ?

Après la mobil­i­sa­tion de l’oc­cu­pa­tion des zadistes d’Iz­tuzu, la mairie a pu garder ges­tion de la plage.

Le sable colle tou­jours aux fesses.

Les pré­cau­tions habituelles pour la sécu­rité des tortues sont tou­jours en place. Les tortues caret­ta caret­ta peu­vent pon­dre en toute quié­tude. Les petiots trou­veront le chemin de la mer, tranquilous.

Vive­ment que ça dure !




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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.