Une commission parlementaire a approuvé une loi qui autorisera les autorités des télécommunications (TIB) à censurer sous 4 heures du contenu web, sur demande du cabinet du premier ministre ou tout autre ministère en relation avec celui-ci.
Un pouvoir illimité pour le TIB
Kerem Altıparmak de l’université de droit d’Ankara nous explique les grandes lignes de cette loi :
“A partir de maintenant, le TIB pourra bloquer tout contenu selon son jugement. Il y a des centaines de crimes définis par cette loi. Mais la loi ne se limite pas à ça, on parle aussi de protection de l’ordre public. Et aucune autorité ne peut inspecter ce que fera le TIB.”
“Par exemple, prenons le crime le plus trivial. Si le TIB le veut, ils pourront bloquer du contenu à cause de ça. Comme cela inclut l’ordre public, toutes les organisations et les rassemblement peuvent être sous la coupe de cette loi”
Twitter peut aussi être bloqué (à nouveau)
“Par exemple, il sera possible de demander à ce que du contenu soit enlevé des sites d’agence de presse, et l’agence devra obtempérer. Si le contenu n’est pas accessible, hors du pays ou si cela n’est pas fait, il sera alors possible de bloquer tout le site internet. Twitter en fait partie. De plus, si le site résiste, il sera possible d’engager une procédure judiciaire”.
Un air de déjà vu ? Déjà en 2014, la Turquie avait bloqué Twitter, ce qui avait provoqué la colère des citoyens. Une semaine après, c’était au tour de Youtube, suite à la diffusion d’un enregistrement dans une affaire de corruption. Peur du scandale, la Turquie ? Suite à cela, une vague de mécontentement avait fait plier le gouvernement, et les sites incriminés ont été à nouveau disponibles. Cette fois-ci, il semblerait que la Turquie fasse les choses plus discrètement, quitte à endormir les citoyens sur leurs réelles motivations.
On peut déjà en voir les conséquences : a Ankara, le 6 février, les forces de l’ordre ont interpellé des manifestants avant même qu’ils ne sortent du bus qui les amenait depuis Istanbul pour protester devant le palais présidentiel. On peut tout à fait imaginer que cette loi soit évoquée, pas tant à cause de la manifestation en elle-même, mais à cause de l’intention d’aller manifester, et comme cela est souvent le cas, d’organiser un rassemblement via les réseaux sociaux ou via des listes de diffusion, par exemple.
Des peines de prison fermes
Cette loi, non contente de bloquer du contenu et de menacer la liberté d’expression, inflige des amendes et des peines de prison. Il est fait mention d’amendes de 3000 à 10 000 TL, et si on ne peut pas payer, d’un an de prison ferme. A titre de comparaison , le salaire minium en Turquie est d’envion 1000 TL, cependant dans les faits beaucoup de travailleurs précaires ne gagnent que 300 ou 400 TL par mois. On peut donc dire que ces sommes sont très lourdes, et que dans la plupart des cas, impossibles à payer.
Le gouvernement turc est obsédé par deux choses : la neutralité du net, ce principe qui garantit une liberté d’expression totale sur le web, et la liberté de se réunir. En faisant passer cette loi, il supprime les deux, et renforce son arsenal totalitaire. Sécuritaire, diront ses partisans. Soyons heureux qu’il n’existe encore aucune loi pour arrêter les gens à cause de leurs pensées 😉
Sources :
Bianet, 06 février 2015,How to read Turkey’s new internet law,
Libération, 27 mars 2014, Après Twitter, la Turquie bloque Youtube