Ah ! Ah ! C’est le jour de l’an !
La voix claire de l’enfant et la voix cassée du vieil­lard enton­nent la même bal­lade : la bal­lade des vœux et souhaits.
L’ouvrier à son patron, le débi­teur à son créanci­er, le locataire à son pro­prié­taire dis­ent la ritour­nelle de la bonne et heureuse année. Le pau­vre et la pau­vresse s’en vont par les rues chanter la com­plainte de la longue vie.

Ah ! Ah ! C’est le jour de l’an !

Il faut que l’on rie ! Il faut que l’on se réjouisse. Que toutes les fig­ures pren­nent un air de fête. Que toutes les lèvres lais­sent échap­per les meilleurs souhaits. Que sur toutes les faces se des­sine le ric­tus de la joie.

C’est le jour du men­songe offi­ciel, de l’hypocrisie sociale, de la char­ité phar­isi­enne. C’est le jour du ver­nis et du convenu.

Les faces s’illuminent et les maisons s’éclairent ! Et l’estomac est noir et la mai­son est vide. Tout est appar­ent, tout est façade, tout est leurre, tout est tromperie ! La main qui vous accueille est un ric­tus ou une gri­mace. Le souhait qui vous reçoit est un blas­phème ou une moquerie.

Dans la curée âpre des appétits, c’est l’armistice, c’est la trêve. Dans l’âpre curée des batailles, c’est le jour de l’an.

On entend l’écho qui répète la voix du canon et qui red­it le sif­flet de l’usine. La mitrailleuse fume encore et encore ; la chaudière laisse échap­per la vapeur. L’ambulance regorge de blessés et l’hôpital refuse des malades. L’obus a ouvert ce ven­tre et la machine à couper ce bras. Les crimes des mères, les pleurs des enfants font reten­tir à nos oreilles l’affreuse mélodie de la douleur, tou­jours la même.

Le dra­peau blanc flotte : c’est l’armistice, c’est la trêve, pour une heure et pour un jour, les mains se ten­dent, les faces se souri­ent, les lèvres bégaient des mot d’amitié : ricane­ments d’hypocrisie et de mensonges.

Bonne vie à toi, pro­prié­taire ? qui me jet­tera sur le pavé de la ville sans t’occuper du froid ou de l’averse…

Bonne vie à toi patron ? qui me dimin­ua ces jours derniers, parce que faib­lis­sait mon corps après la dure mal­adie que je con­trac­tai à ton service…

Bonne vie, bonne vie à tous ! boulangers, épiciers, débi­tants qui enser­riez ma mis­ère de vos péages hon­teux et qui teniez com­merce de cha­cun de mes besoins, de cha­cun de mes désirs.

Et bonne vie et bonne san­té à tous, mâles et femelles, lâchés à tra­vers la civil­i­sa­tion : bonne année à toi, l’ouvrier hon­nête ? à toi, maque­reau réguli­er ? à toi, cat­a­logué du mariage ? à toi, inscrit aux livres de police ? à vous tous dont cha­cun des gestes, cha­cun des pas est un geste et un pas con­tre ma lib­erté, con­tre mon individualité ?

Ah ! Ah ! bonne vie et bonne santé ?

Vous voulez des vœux, en voilà : que crève le pro­prié­taire qui détient la place où j’étend mes mem­bres et qui me vend l’air que je respire !
Que crève le patron qui, de longues heures, fait pass­er la char­rue de ses exi­gences sur le champ de mon corps.

Que crèvent ces loups âpres à la curée qui prélèvent la dîme sur mon couch­er, mon repos, mes besoins, trompant mon esprit et empoi­son­nant mon corps !

Que crèvent les cat­a­logués de tous sex­es avec qui les désirs humains ne se sat­is­font que con­tre promess­es, fidél­ités, argent ou platitudes !

Que crève l’officier qui com­mande le meurtre et le sol­dat qui lui obéit ; que crève le député qui fait la loi et l’électeur qui fait le député !

Que crève le riche qui s’accapare une si large part du butin social ! mais que crève surtout l’imbécile qui pré­pare sa pâtée.

Ah ! Ah ! C’est le jour de l’an !

Regardez autour de vous. Vous sen­tez plus vivant que jamais le men­songe social. Le plus sim­ple d’entre vous devine partout l’hypocrisie glu­ante des rap­ports soci­aux. Le faux appa­raît à tout pas. Ce jour-là, c’est la répéti­tion d tous les autres jours de l’an. La vie actuelle n’est faite que de men­songe et de leurre. Les hommes sont en per­pétuelle bataille. Les pau­vres se baladent du sourire de la concierge au ric­tus du bistrot et les rich­es de l’obséquiosité du laquais aux flat­ter­ies de la cour­tisane. Face glabres et masques de joie.

La caresse de la putain a comme équiv­a­lent le sourire de la femme mar­iée. Et la défense du maque­reau est pareille à la pro­tec­tion de l’époux. Truquages et intérêts.

Pour que nous puis­sions chanter la vie, un jour, en toute vérité, il faut, dis­ons-le bien haute­ment, laiss­er le con­venu et faire un âpre souhait : que crève le vieux monde avec son hypocrisie, sa morale, ses préjugés qui empoi­son­nent l’air et empêchent de respir­er. Que les hommes déci­dent tout à coup de dire ce qu’ils pensent.

Faisons un jour de l’an où l’on ne se fera pas de vœux et de souhaits men­songers, mais où, au con­traire, on videra sa pen­sée à la face de tous.

Ce jour-là, les hommes com­pren­dront qu’il n’est véri­ta­ble­ment pas pos­si­ble de vivre dans une pareille atmo­sphère de lute et d’antagonismes.

Ils chercheront à vivre d’autre façon. Ils voudront con­naître les idées, les choses et les hommes qui les empêchent de venir à plus de bonheur.

La pro­priété, la patrie, les dieux, l’honneur cour­ront risque d’être jetés à l’égout avec ceux qui vivent de ces puan­teurs. Et sera uni­versel ce souhait qui sem­ble si méchant et qui est pour­tant rem­pli de douceur : que crève le vieux monde !

Les faces s’illuminent et les maisons s’éclairent ! Et l’estomac est noir et la mai­son est vide. Tout est appar­ent, tout est façade, tout est leurre, tout est tromperie ! La main qui vous accueille est un ric­tus ou une gri­mace. Le souhait qui vous reçoit est un blas­phème ou une moquerie

Dans la curée âpre des appétits, c’est l’armistice, c’est la trêve. Dans l’âpre curée des batailles, c’est le jour de l’an.

On entend l’écho qui répète la voix du canon et qui red­it le sif­flet de l’usine. La mitrailleuse fume encore et encore ; la chaudière laisse échap­per la vapeur. L’ambulance regorge de blessés et l’hôpital refuse des malades. L’obus a ouvert ce ven­tre et la machine à couper ce bras. Les crimes des mères, les pleurs des enfants font reten­tir à nos oreilles l’affreuse mélodie de la douleur, tou­jours la même.

Le dra­peau blanc flotte : c’est l’armistice, c’est la trêve, pour une heure et pour un jour, les mains se ten­dent, les faces se souri­ent, les lèvres bégaient des mot d’amitié : ricane­ments d’hypocrisie et de mensonges.

Bonne vie à toi, pro­prié­taire ? qui me jet­tera sur le pavé de la ville sans t’occuper du froid ou de l’averse…

Bonne vie à toi patron ? qui me dimin­ua ces jours derniers, parce que faib­lis­sait mon corps après la dure mal­adie que je con­trac­tai à ton service…

Bonne vie, bonne vie à tous ! boulangers, épiciers, débi­tants qui enser­riez ma mis­ère de vos péages hon­teux et qui teniez com­merce de cha­cun de mes besoins, de cha­cun de mes désirs.

Et bonne vie et bonne san­té à tous, mâles et femelles, lâchés à tra­vers la civil­i­sa­tion : bonne année à toi, l’ouvrier hon­nête ? à toi, maque­reau réguli­er ? à toi, cat­a­logué du mariage ? à toi, inscrit aux livres de police ? à vous tous dont cha­cun des gestes, cha­cun des pas est un geste et un pas con­tre ma lib­erté, con­tre mon individualité ?

Ah ! Ah ! bonne vie et bonne santé ?

Vous voulez des vœux, en voilà : que crève le pro­prié­taire qui détient la place où j’étends mes mem­bres et qui me vend l’air que je respire !

Que crève le patron qui, de longues heures, fait pass­er la char­rue de ses exi­gences sur le champ de mon corps.

Que crèvent ces loups âpres à la curée qui prélèvent la dîme sur mon couch­er, mon repos, mes besoins, trompant mon esprit et empoi­son­nant mon corps !

Que crèvent les cat­a­logués de tous sex­es avec qui les désirs humains ne se sat­is­font que con­tre promess­es, fidél­ités, argent ou platitudes !

Que crève l’officier qui com­mande le meurtre et le sol­dat qui lui obéit ; que crève le député qui fait la loi et l’électeur qui fait le député !

Que crève le riche qui s’accapare une si large part du butin social ! mais que crève surtout l’imbécile qui pré­pare sa pâtée.

Ah ! Ah ! C’est le jour de l’an !

Regardez autour de vous. Vous sen­tez plus vivant que jamais le men­songe social. Le plus sim­ple d’entre vous devine partout l’hypocrisie glu­ante des rap­ports soci­aux. Le faux appa­raît à tout pas. Ce jour-là, c’est la répéti­tion d tous les autres jours de l’an. La vie actuelle n’est faite que de men­songe et de leurre. Les hommes sont en per­pétuelle bataille. Les pau­vres se baladent du sourire de la concierge au ric­tus du bistrot et les rich­es de l’obséquiosité du laquais aux flat­ter­ies de la cour­tisane. Face glabres et masques de joie.

La caresse de la putain a comme équiv­a­lent le sourire de la femme mar­iée. Et la défense du maque­reau est pareille à la pro­tec­tion de l’époux. Truquages et intérêts.

Pour que nous puis­sions chanter la vie, un jour, en toute vérité, il faut, dis­ons-le bien haute­ment, laiss­er le con­venu et faire un âpre souhait : que crève le vieux monde avec son hypocrisie, sa morale, ses préjugés qui empoi­son­nent l’air et empêchent de respir­er. Que les hommes déci­dent tout à coup de dire ce qu’ils pensent.

Faisons un jour de l’an où l’on ne se fera pas de vœux et de souhaits men­songers, mais où, au con­traire, on videra sa pen­sée à la face de tous.

Ce jour-là, les hommes com­pren­dront qu’il n’est véri­ta­ble­ment pas pos­si­ble de vivre dans une pareille atmo­sphère de lutte et d’antagonismes.

Ils chercheront à vivre d’autre façon. Ils voudront con­naître les idées, les choses et les hommes qui les empêchent de venir à plus de bonheur.

La pro­priété, la patrie, les dieux, l’honneur cour­ront risque d’être jetés à l’égout avec ceux qui vivent de ces puan­teurs. Et sera uni­versel ce souhait qui sem­ble si méchant et qui est pour­tant rem­pli de douceur : que crève le vieux monde !

Albert Lib­er­tad
Que Crève Ce Vieux Monde, L’anarchie, 27 décem­bre 1906

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