La référence au terme Kurdistan représente exactement ce que ce qui se passe aujourd’hui et concerne les quatre parties du Kurdistan avec une attention particulière sur les Kurdes de Syrie et d’Irak. Au-delà de tout doute, le rôle des Kurdes en Turquie et plus particulièrement du PKK (Partiya Karkerên Kurdistan, Parti des travailleurs du Kurdistan) a été également important dans le soutien de la confrontation kurde avec l’Etat islamique, anciennement connu comme l’Etat islamique d’Irak et du Levant (داعش, IS, Juillet 2013).
Au-delà d’une 2ème ou 3ème lecture, ce qui se passe réellement aujourd’hui est une crise humanitaire en cours compte tenu de l’afflux de réfugiés syriens en Turquie ; la région du Kurdistan et ailleurs, la population kurde mais aussi non kurde n’a pas pu laisser en tant que telle la communauté internationale international impassible.
À un second niveau, la peur répandue par l’image brutale qu’ISIS a communiqué auprès du public, a créé une inquiétude sur une menace pas uniquement locale mais aussi régionale et potentiellement internationale compte tenu de sa naissance en Syrie et par la suite de sa propagation en Irak ; et surtout, le signal d’alarme que ce groupe pourrait s’étendre au-delà même des frontières du Moyen-Orient et menacer les Etats de la communauté internationale explique la vigilance sur cette question.
Dans ce contexte, le soutien international est essentiel et cette question a attiré l’attention de la majorité des Etats européens ; son ampleur a suscité l’inquiétude de nombreux pays arabes et en particulier de la région du Golfe qui voit la prise d’autonomie du mouvement kurde au moment où l’article 140 n’a pas encore été mis en œuvre, et où un référendum à la fois sur le sort des zones contestées — en particulier de Kirkouk — et sur l’indépendance kurde est encore en suspens.
À cet égard et en premier lieu, devrait être considérée la réponse immédiate de l’État iranien d’envoyer des troupes pour combattre ISIS en Irak et, par voie de conséquence, l’implication des Etats-Unis ; et en second lieu, la position inconfortable du gouvernement turc depuis la crise des relations avec le régime syrien et sa politique de pression sur Bachar Al Assad pour la mise en œuvre de réformes spécifiques depuis Août 2011.
Ainsi, une fois de plus le Kurdistan apparaît être une pomme de discorde entre Téhéran et Ankara en tant que la plus large sphère d’influence et de contrôle compte tenu de ses réserves de pétrole, en tant qu’aspirations à l’autonomie sur le chemin d’un possible Etat kurde confédéré avec la compétition pour une domination régionale.
La confrontation avec des extrémismes de toutes sortes pour le bien de la paix et de la coexistence régionale apparaît comme une incitation à soutenir les Kurdes, en particulier lorsque des milliers de civils sont tués massivement et quotidiennement.
Une brève évaluation indique qu’aujourd’hui le soutien international est en effet une nécessité pour que la bataille contre ISIS soit couronnée de succès car il y a un grand besoin d’armes de pointe et d’autres armes de guerre. L’Iran apparaît temporairement comme un vainqueur depuis que la situation actuelle a contribué à transformer le regard de la communauté internationale mais nulle part ailleurs que sur les problèmes de Téhéran et en facilitant leur résolution sur ce qui semble être le cas aujourd’hui avec le dossier nucléaire de l’Iran.
La Turquie est dans une période très difficile et il semble toutefois que la politique extérieure turque mette de côté son sectarisme en tant qu’outil de mise en œuvre de sa politique étrangère;malheureusement c’est un défi de ne pas être entraîné dans l’émergence d’une fracture Sunnite Chiite.L’incapacité d’Ankara a agir rapidement lorsque le phénomène ISIS a surgi n’a pas du tout bénéficié à sa politique kurde comme cela pu être attendu et, de plus, elle n’a pas empêché le coût des répercussions dont la Turquie avait peur dès le début.La partie kurde de la Syrie et de l’Irak est un pôle très attractif de contrôle de la politique étrangère turque.Pourtant, l’accord Dohouk (Octobre 2014) est une étape très critique vers l’unité entre les mouvements kurdes mais aussi un impératif en considérant que les Kurdes n’ont qu’un allié, leurs compatriotes ethniques.
Dans cette tentative, le rôle du PKK ne devrait pas être sous-estimée en tant qu’acteur clé d’un non état à la fois pour l’unification du mouvement kurde ainsi que pour l’équilibre politique turque interne dans la même veine que le KRG (Gouvernement Régional du Kurdistan ndlr). Le KRG, de facto Etat régional kurde, déjà établi mais aussi reconnu internationalement pourrait à son tour contribuer à la reconnaissance des Cantons autonomes kurdes en Syrie (11 Novembre 2013). L’aide internationale actuelle et le soutien offerts aux Kurdes dans leur lutte contre ISIS est une opportunité malheureuse dont ils devraient à partir de maintenant tirer profit de façon positive
Dans le même temps, les avantages pour la communauté internationale en soutenant les Kurdes se trouvent dans leur capacité de mettre fin aux 30 années d’effusion de sang entre Ankara et le PKK et d’aboutir à la résolution tant désirée de la question kurde en Turquie et aussi le fait que les Kurdes sont un allié utile dans la lutte contre le terrorisme.Enfin, il y a toujours le danger en laissant la région du Kurdistan sous le contrôle soit iranienne soit turc ce cela apparaisse comme une évolution peu satisfaisante pour la communauté internationale et encore plus aux yeux des États-Unis.
Une chose est certaine, les années à venir vont être plus difficiles surtout pour les populations du Moyen-Orient.
* Cet article est basé sur une conférence donnée à l’Université SOAS, (15/11/2014).
* Dr Marianna Charountaki est chargée de cours à l’Université de Reading (Royaume-Uni). Ses intérêts de recherche portent sur les relations internationales et l’analyse de la politique étrangère dans les internationales du Moyen-Orient élargi. Elle est l’auteur du livre « Les Kurdes et la politique étrangère américaine: relations internationales au Moyen-Orient depuis 1945 », (Routledge, 2010) ainsi que des articles tels que “la politique étrangère américaine dans la théorie et la pratique : de l’ère soviétique à l’époque de confinement des soulèvements arabes (s), Journal de la politique étrangère américaine « Intérêts : Journal du Comité national sur la politique étrangère américaine, Vol.36, Numéro 4, (Routledge, 2014), pp.255–267)
Source Bianet — Kurdistan: Why International Support is Crucial — 25 déc 2014
Auteur : Marianna Charountaki –