La com­mu­nauté inter­na­tionale devrait soutenir le Roja­va laïque, mul­ti-religieux et mul­ti-eth­nique et ses ambi­tions démoc­ra­tiques qui con­stituent une men­ace pour ISIS mais aus­si pour le gou­verne­ment con­ser­va­teur islamique en Turquie. Le Roja­va c’est la démoc­ra­tie en action au Moyen-Ori­ent.

Depuis plusieurs jours, des dizaines de mil­liers de Yézidis sont pris au piège sur le Mont Sin­jar et ten­tent d’échapper depuis début août 2014 aux attaques par l’Etat islamique de leurs villes et vil­lages dans la région de Sin­jar au nord-ouest Irak, près à la fron­tière syrienne.

Il est vite apparu que ces attaques ne sont pas seule­ment le fait d’un mou­ve­ment stratégique d’ISIS visant à ouvrir une passerelle avec la Syrie du Nord mais le fait d’exécution, d’enlèvement de femmes et d’enfants, de con­ver­sions for­cées à l’is­lam et d’une exode de masse.

Amnesty Inter­na­tion­al a recen­sé les atroc­ités com­mis­es par ISIS et l’a accusé de men­er un net­toy­age eth­nique ciblant sys­té­ma­tique­ment les com­mu­nautés locales musul­manes non arabes et non sun­nites comme les Kur­des yézidis, les chré­tiens assyriens, les turk­mènes chi­ites, Shabak Shi ’ Kakai et les sabéens mandéens.

Plusieurs mois avant les attaques, les dirigeants yézidis craig­naient d’être la cible d’ISIS. Ils ont alors ten­té de faire pres­sion pour que leur pro­tec­tion soit assurée et que des inter­ven­tions soient menées lors de voy­ages à Bag­dad et dans la cap­i­tale kurde d’Er­bil. L’ar­mée iraki­enne avait déjà déserté la région mais ils ont été ras­surés par le Gou­verne­ment région­al du Kur­dis­tan (KRG) affir­mant que les forces armées pesh­mer­gas étaient bien pré­parées con­tre une attaque d’ISIS et prêtes à défendre leurs com­pa­tri­otes kurdes.

Pour­tant, lorsque les attaques ont com­mencé vil­lage après vil­lage, à la sur­prise de tous, les Pesh­mer­gas se sont rapi­de­ment retirés lais­sant la pop­u­la­tion civile sans aucune pro­tec­tion avec une mil­ice locale sous équipée et quelques com­bat­tants pesh­mer­gas qui ont choisi, à leurs pro­pres risques, de rester. Ils ont réus­si à retenir ISIS pen­dant quelques jours et ont per­mis aux civils de fuir dans les mon­tagnes du Sin­jar mais ils n’ont pas pu empêch­er ce que les Yézidis appel­lent le 73e mas­sacre de leur communauté.Ce fut alors les exé­cu­tions de groupe, les enlève­ments de femmes comme butin de guerre, le viol et la traite des femmes et des jeunes filles comme esclaves sexuelles.

Les com­bat­tantes kur­des sauvent les Yézidis piégés par ISIS

Alors que cette cat­a­stro­phe human­i­taire a fait le tour du monde et que la com­mu­nauté inter­na­tionale débat­tait sur une inter­ven­tion pos­si­ble, l’aide est venue d’ailleurs.Les femmes kur­des com­bat­tantes de l’YPJ (Unité de Pro­tec­tion des Femmes) de Roja­va (région de l’au­tonomie kurde auto proclamée dans le nord de la Syrie), les unités de la guéril­la des femmes (YJA-Star) du Par­ti des tra­vailleurs du Kur­dis­tan (PKK) ain­si que leurs cama­rades mas­culins ont été les pre­mières forces armées à répon­dre aux appels des réfugiés yézidis.

Depuis le Roja­va, ces com­bat­tants ont crée­un pas­sage de plus de 100 km au nord de l’I­rak vers le Mont Sin­jar et ont brisé le siège d’ISIS. Ils ont fourni aux réfugiés dés­espérés un couloir sécurisé ce qui leur a per­mis de rejoin­dre après 24 heures de marche la par­tie nord rel­a­tive­ment sûre du Roja­va syrien, où ils ont reçu une aide médi­cale immé­di­ate, de la nour­ri­t­ure et un abri.

Les guérilleros du PKK et les com­bat­tants de Roja­va ont été les seules forces présentes sur le ter­rain pour répon­dre immé­di­ate­ment à la crise et pour empêch­er d’autres mas­sacres début Août.Il était égale­ment frap­pant de con­stater que des unités de femmes étaient par­mi eux et pas seule­ment des femmes com­bat­tantes individuelles.Les com­bat­tantes femmes ont sus­cité beau­coup de crainte car ISIS dit à ses com­bat­tants qu’ils ver­ront la porte du par­adis se fer­mer s’ils sont tués par une femme.

Bien que ces con­tes aient cer­taine­ment fait grandir la pop­u­lar­ité de femmes com­bat­tantes kur­des dans les médias inter­na­tionaux, la réal­ité est que ces femmes et ces hommes ont osé se dress­er con­tre ISIS. En se plaçant dans une posi­tion de vul­néra­bil­ité, ils sont devenus la cible prin­ci­pale d’ISIS.Et mal­gré leur résis­tance con­tre ISIS, ce sont les pesh­mer­gas qui ont reçu des armes et ont été soutenus par la coali­tion améri­caine pour lut­ter con­tre ISIS.

L’ad­min­is­tra­tion du PKK et du Roja­va ne se sont pas con­sultés sur des actions coor­don­nées à men­er con­tre ISIS. Ils n’ont pas fourni d’armes pour se défendre et défendre la pop­u­la­tion con­tre les nou­velles attaques d’ISIS. En tant que fon­da­teur de Médecins Sans Fron­tières , le Doc­teur Jacques Bérès a déclaré « les femmes kur­des se défend­ent grâce à leur courage et à leurs kalach­nikovs”. Deux mois après le mas­sacre sur le Mont Sin­jar, c’est à nou­veau les forces féminines de défense du PKK qui ont pro­tégé la pop­u­la­tion civile con­tre les attaques d’ISIS. Ils ont égale­ment promis de trou­ver les mil­liers de filles et de femmes yézidis enlevées. Des hommes poli­tiques sué­dois qui ont rejoint la coali­tion ont exhorté les Nations Unies à enquêter et à iden­ti­fi­er ces jeunes femmes qui pour­raient avoir été vic­times de la traite des femmes dans d’autres pays.

La révo­lu­tion de Roja­va et les Kur­des dans le nord de la Syrie

Au milieu de la guerre civile en Syrie et pen­dant le retrait de l’ar­mée syri­enne dans le nord de la Syrie en 2012, la pop­u­la­tion de Roja­va a pris le con­trôle de sa région et l’a déclaré région autonome mul­ti eth­nique, mul­ti religieuse et démoc­ra­tique sem­blable au mod­èle suisse avec trois régions admin­is­tra­tives ou can­tons séparés et géo­graphique­ment isolés (Kobane, Afrin et Cizire).

Mal­gré les dif­fi­cultés économiques et un embar­go de fac­to du com­merce avec d’autres par­ties de la Syrie, de la Turquie et du KRG (représen­ta­tion du Gou­verne­ment région­al du Kur­dis­tan ndlr) la pop­u­la­tion de Roja­va a util­isé sa lib­erté nou­velle­ment acquise pour expéri­menter la démoc­ra­tie rad­i­cale. Elle a appliqué le pro­jet d’au­tonomie démoc­ra­tique propagée par le leader du PKK empris­on­né, Abdul­lah Öcalan, qui a été égale­ment entre­pris par le mou­ve­ment kurde dans le nord du Kur­dis­tan en Turquie.

En deux ans le Roja­va a con­nu des change­ments insti­tu­tion­nels et poli­tiques impor­tants et pour la pre­mière fois dans l’his­toire syri­enne, les com­mu­nautés se sont auto gou­vernées sans l’in­ter­ven­tion d’un gou­verne­ment cen­tral autoritaire.Se référant au développe­ment de la «révo­lu­tion Roja­va », la pop­u­la­tion de Roja­va s’est empressée de s’impliquer dans l’or­gan­i­sa­tion de ses pro­pres affaires : ges­tion des écoles et des hôpi­taux, pro­duc­tion de l’électricité, con­struc­tion de leurs pro­pres réservoirs.

Le change­ment le plus vis­i­ble a été l’intégration des femmes dans les forces de défense et de police en unités séparées avec la créa­tion des unités de pro­tec­tion des femmes (YPJ) et des forces de sécu­rité des femmes (HAJ). Selon des esti­ma­tions, les femmes com­bat­tantes représen­teraient entre 7.000 et 10.000 per­son­nes au sein des forces kur­des qui com­bat­tent en Syrie, ce qui représente env­i­ron un tiers de l’U­nité de Pro­tec­tion Pop­u­laire (GPJ) dans le Roja­va- force mil­i­taire qui a été mise en place pour défendre Rojava-.

L’au­tonomi­sa­tion des femmes a été un élé­ment clé de la révo­lu­tion de Roja­va, ce qui explique sa pop­u­lar­ité en par­ti­c­uli­er chez les femmes.Un récent rap­port sur le Roja­va com­mandé par l’association « Droit des femmes et groupes de défense des Roj Femmes » basé à Lon­dres, mon­tre que depuis l’au­tonomie auto proclamée, les femmes kur­des ont crée des syn­di­cats, des asso­ci­a­tions et des comités d’une douzaine de femmes et ont mené des cam­pagnes de sen­si­bil­i­sa­tion à l’é­gal­ité sur une grande échelle dans les trois cantons.

Par­mi les nou­velles régle­men­ta­tions ini­tiées pour lut­ter con­tre la dis­crim­i­na­tion entre les sex­es a été décrétée l’interdiction de la polyg­a­mie pour les hommes et le mariage des mineurs. En out­re, et ce qui est inhab­ituel pour la région, les cas de vio­lence domes­tique sont désor­mais pris au sérieux aus­si bien par la police que par les tri­bunaux et les femmes et leurs enfants ont la pos­si­bil­ité d’avoir accès à un héberge­ment pro­vi­soire sécure. Pour veiller à ce que les femmes soient représen­tées dans la fonc­tion publique et dans la vie civique, des mesures de dis­crim­i­na­tion pos­i­tive, sim­i­laire à celles pra­tiquées au sein du mou­ve­ment kurde en Turquie, ont été intro­duites. Il s’agit d’un sys­tème de co-prési­dence où les posi­tions et pris­es de déci­sions impor­tantes sont partagées par les hommes et les femmes avec la créa­tion de divers organes de femmes seule­ment agis­sant pour que les voix et les intérêts des femmes ne soient plus ignorés.

 

Le mod­èle d’égalité des sex­es de Roja­va emprun­té au mou­ve­ment kurde en Turquie

Le mod­èle d’autonomisation des femmes de Roja­va est basé sur les principes d’égalité dévelop­pés par le PKK et appliqués par le mou­ve­ment kurde et le par­ti pour la Paix pro-kurde et la Démoc­ra­tie (BDP) en Turquie, qui gère les gou­verne­ments locaux dans un cer­tain nom­bre de provinces kur­des du Sud-Est de la Turquie ou au Kur­dis­tan du Nord.

Une des forces du PKK et du mou­ve­ment kurde dans le nord du Kur­dis­tan a été leur cri­tique de la société kurde en ter­mes d’iné­gal­ités de classe et de genre. La par­tic­i­pa­tion des femmes dans la lutte armée et leur suc­cès en tant que mil­i­tantes poli­tiques a brisé de nom­breux tabous dans le Kur­dis­tan comme le font très sou­vent les mou­ve­ments nationaux mais sans s’arrêter pour autant à cela.

Alors que dans les années 1990, les femmes se mobil­i­saient dans le mou­ve­ment nation­al kurde prin­ci­pale­ment pour soutenir et légitimer la cause nationale, le nou­veau change­ment poli­tique vers l’au­tonomie démoc­ra­tique a porté davan­tage l’ac­cent sur l’aspect poli­tique de la vie quo­ti­di­enne en provo­quant le change­ment par le bas et dans la société plutôt que d’attendre que la «grande révo­lu­tion» ait lieue. Le mou­ve­ment kurde et le PKK ont mis autant l’ac­cent sur la libéra­tion des femmes que sur leurs reven­di­ca­tions de plus de pou­voir et de recon­nais­sance au sein du mou­ve­ment qui ne pou­vait pas les ignorer.

En plus de cela, mal­gré la con­ster­na­tion de beau­coup de fémin­istes, les femmes ont fait con­fi­ance à Abdul­lah Öcalan, le chef du PKK, pour les guider vers l’é­gal­ité. Mal­gré son empris­on­nement depuis 1999, ce sont les femmes qui l’ont soutenu pen­dant les années les plus tur­bu­lentes après son arresta­tion et lors de la déc­la­ra­tion de sa nou­velle poli­tique très con­tro­ver­sée. En retour Öcalan est devenu plus rad­i­cal dans sa défense de l’é­gal­ité et a exhorté les femmes à ques­tion­ner la dom­i­na­tion mas­cu­line au sein de leurs pro­pres rangs.

Ain­si, le sup­port idéologique fourni par le PKK et son leader Abdul­lah Öcalan ont aidé les femmes à l’in­térieur du mou­ve­ment kurde dans le nord du Kur­dis­tan turc à con­tester l’op­pres­sion des femmes et les iné­gal­ités. Beau­coup de femmes ont com­mencé à dévelop­per une con­science fémin­iste. Elles ont ren­for­cé leur posi­tion au sein du mou­ve­ment kurde et con­stru­it des organ­i­sa­tions autonomes et semi autonomes, y com­pris les assem­blées de femmes au sein des par­tis poli­tiques pro kur­des, des cen­tres et asso­ci­a­tions de femmes, une agence de presse, des coopéra­tives de femmes, des académies de femmes etc….

Dans le mou­ve­ment de guéril­la, les femmes se sont égale­ment organ­isées en unités dis­tinctes et indépen­dantes en créant leur pro­pre par­ti : le Par­ti de Libéra­tion des Femmes du Kur­dis­tan (PAJK) et leur pro­pre force de guéril­la (YJA-Star).

Aujour­d’hui, les femmes con­stituent une force puis­sante au sein des par­tis pro kur­des en Turquie.Elles ont tra­vail­lé d’abord sur le faible niveau de mobil­i­sa­tion de la base et ont égale­ment exigé une plus grande recon­nais­sance de leur tra­vail politique.Cela a con­duit à la mise en place d’une dis­crim­i­na­tion pos­i­tive inclu­ant la mise en œuvre d’un quo­ta de 40 % par des femmes dans les par­tis pro kur­des en Turquie.Il a été aus­si assuré que les femmes seraient élues dans les gou­verne­ments locaux et nationaux comme con­seil­lères, maires et mem­bres du Parlement.

Par exem­ple, lors de l’élec­tion nationale de 2007 les par­tis pro kur­des ont rem­porté 21 sièges avec une représen­ta­tion fémi­nine de 38%. Ce fut une vic­toire impor­tante pour la représen­ta­tion des femmes au Par­lement de la Jus­tice et du Développe­ment et à l’ AKP prin­ci­pal par­ti d’op­po­si­tion alors que la représen­ta­tion fémi­nine au Par­ti pop­u­laire répub­li­cain (CHP) n’est seule­ment que de 9 %. Dans les dernières élec­tions locales en Mars 2014 en Turquie, seule­ment 37 femmes ont été élues maires (sur un total 1364) dont plus de la moitié étaient des femmes des par­tis pro kur­des qui ont demandé l’application rigoureuse du quo­ta. Out­re le quo­ta, les par­tis pro kur­des ont appliqué un sys­tème pio­nnier de partage du pou­voir depuis 2009 : les postes clef de déci­sion au sein du par­ti sont partagés par les hommes et par les femmes.Cela sig­ni­fie que tous les maires et les con­seillers élus ont un co-prési­dent avec partage du salaire et des droits équiv­a­lents de représen­ta­tion de leur circonscription.

Ce sys­tème a été éten­du à d’autres organ­i­sa­tions de la société civile au sein du mou­ve­ment kurde.La poli­tique de dis­crim­i­na­tion pos­i­tive a été très effi­cace pour met­tre à l’ordre du jour la ques­tion des femmes dans la poli­tique kurde et ren­forcer la vis­i­bil­ité des femmes dans la poli­tique en général.Sans aucun doute, la représen­ta­tiv­ité des femmes dans des posi­tion­nements kur­des et les par­tis poli­tiques est dev­enue une référence pour la démoc­ra­ti­sa­tion met­tant au défi les autres par­tis de la Turquie à leur emboîter le pas.

Le Roja­va a béné­fi­cié de l’expertise poli­tique du PKK et du mou­ve­ment kurde dans le nord du Kur­dis­tan turc avec la mise en place d’un sys­tème autonome et la pour­suite des ini­tia­tives d’é­gal­ité des sex­es. La révo­lu­tion de Roja­va peut sem­bler très ambitieuse étant don­né qu’au­cune puis­sance régionale ou inter­na­tionale n’a intérêt à la soutenir Pour­tant, c’est leur idéal­isme et leur con­vic­tion sur le fait que la diver­sité au Moyen-Ori­ent est un plus atout qu’un prob­lème qui les a con­duit à décider de se ren­dre au Mont Sin­jar pour sauver la pop­u­la­tion civile assiégée. Leur vision de l’au­tonomie et leur suc­cès dans cette con­struc­tion a per­mis au Roja­va de devenir une région rel­a­tive­ment sta­ble et sécurisée, offrant un abri à des dizaines de mil­liers de réfugiés venant de Syrie et d’I­rak. Cepen­dant changé lorsque le Roja­va est devenu devenir l’ob­jet d’in­tens­es attaques de la part d’ISIS.

Le siège de Kobane

Le Roja­va est en train de pay­er le prix pour avoir résis­ter à ISIS et pour l’ex­er­ci­ce de l’au­tonomie populaire.Malgré des frappes aéri­ennes améri­caines sur les bas­tions d’ISIS pen­dant plus de trois semaines, le can­ton de Kobané, Roja­va a été la cible de lour­des attaques par ISIS depuis le 15 sep­tem­bre 2014. La posi­tion géo­graphique de Kobané ne facilite pas l’aide en-dehors de celle des autres can­tons et des guérilleros du PKK. Sa fron­tière au nord avec la Turquie est forte­ment gardée. Le reste de Kobané est encer­clé par ISIS. La prise de Kobané se con­cluerait par un mas­sacre sem­blable à celui du Mont Sin­jar. La plu­part des quelque 160 000 habi­tants de Kobané ont déjà fui la région mais pour les mil­liers d’habi­tants qui sont restés dans Kobané et ten­tent de se défendre con­tre ISIS, l’avenir sem­ble très sombre.

Une note écrite par l’an­cien ambas­sadeur améri­cain en Syrie Robert Ford, sug­gère que la Turquie fasse pres­sion pour un Etat islamique sun­nite en Syrie, quelles que soient les exi­gences d’une grande par­tie de l’opposition pour une fédéra­tion laïque et mul­ti eth­nique telle que sug­gérée par de nom­breux Syriens et en par­ti­c­uli­er les minorités comme les chré­tiens, alaouites, druzes et les Kurdes.

En out­re, dans cette même note, les respon­s­ables turcs auraient sug­géré que la future con­sti­tu­tion syri­enne devrait inscrire «sans faire men­tion des Kur­des et que chaque prob­lème kurde doit être résolu par les munic­i­pal­ités locales». C’est exacte­ment cette men­tal­ité de déni et les poli­tiques d’as­sim­i­la­tion ultérieures de l’E­tat turc – il en est de même pour l’I­rak, la Syrie et l’I­ran — qui a con­duit aux soulève­ments des Kur­des dans la région entraî­nant la perte de plus de 40.000 vies dans le con­flit la seule Turquie.

Ain­si, en dépit d’être assiégés par ISIS à Kobané, les Kur­des de Roja­va se méfient de toute inter­ven­tion mil­i­taire turque, notam­ment parce qu’ils accusent la Turquie de soutenir active­ment ISIS en leur per­me­t­tant de tra­vers­er la fron­tière dans les deux sens.Pour la Turquie, aux pris­es avec des con­ces­sions pour leur pro­pre pop­u­la­tion kurde, un Roja­va autonome dirigée par les Kur­des affil­iés au PKK est un non absolu.Une inter­ven­tion turque dans Roja­va men­ac­erait non seule­ment l’au­tonomie de Roja­va qui représente un mod­èle pour le PKK en Turquie mais men­ac­erait aus­si le proces­sus de paix avec les Kur­des vivants en Turquie.

La démoc­ra­tie en action au Moyen-Orient

La région autonome de Roja­va et sa pop­u­la­tion unique est une illus­tra­tion suff­isante de ce que nous savons déjà depuis longtemps de l’Afghanistan, de l’I­rak et des autres con­flits dans le monde à savoirque la démoc­ra­tie doit venir de l’in­térieur. Aucune inter­ven­tion mil­i­taire du monde occi­den­tal ou d’une tierce puis­sance peut appren­dre à un pays et à ses citoyens com­ment con­cili­er les dif­férences et con­stru­ire un avenir ensemble.

Pour­tant, le Roja­va est sanc­tion­né pour avoir ten­té de vol­er de ses pro­pres ailes et pour avoir fait alliance avec le PKK qui l’a aidé idéologique­ment et logis­tique­ment avec la mise en place de sa pro­pre admin­is­tra­tion ain­si que la lutte con­tre les groupes affil­iés d’Al-Qaïda.

Bien que le PKK soit con­sid­éré comme une organ­i­sa­tion ter­ror­iste et se soit en effet engagé dans un con­flit vio­lent et impi­toy­able à l’é­gard de l’op­po­si­tion interne, sa poli­tique et sa stratégie ont changé au fil des ans. La pop­u­lar­ité du PKK par­mi les Kur­des reste élevée car il a com­bat­tu pour les lib­ertés civiles, pour la représen­ta­tion poli­tique et la recon­nais­sance des droits cul­turels depuis les 30 dernières années.

Le pro­jet d’au­tonomie démoc­ra­tique a été l’un des pro­jets poli­tiques clés du PKK conçu comme une solu­tion à long terme pour la ques­tion kurde au Moyen-Ori­ent. Pro­posé comme une alter­na­tive à un État nation kurde séparé, il met l’ac­cent sur l’élar­gisse­ment des formes démoc­ra­tiques de par­tic­i­pa­tion et le développe­ment de formes alter­na­tives de gou­ver­nance et d’économie. Cette ligne poli­tique mod­érée du PKK, par rap­port aux années 1980 et 1990, a per­mis au mou­ve­ment kurde en Turquie de ren­forcer sa lutte poli­tique et juridique en vue de négo­ci­a­tions pour une solu­tion poli­tique pacifique.

Un Roja­va laïque, mul­ti religieux et mul­ti eth­nique avec des ambi­tions démoc­ra­tiques con­stitue une men­ace pour les ISIS et aus­si pour le gou­verne­ment con­ser­va­teur islamique en Turquie.Pour l’Occident cepen­dant, qui se plaint de l’ab­sence de démoc­ra­tie au Moyen-Ori­ent, quelle est son hési­ta­tion à soutenir un tel mou­ve­ment pro­gres­sif, on peut se le demander ?

Ce mou­ve­ment n’a pas seule­ment per­mis de frein­er l’a­vancée d’ISIS, il a aus­si assuré la sécu­rité et la sta­bil­ité dans les zones gérées par lui. Il a don­né du pou­voir aux femmes et a con­stru­it une forme inclu­sive de gou­ver­nance impli­quant un grand nom­bre de pop­u­la­tions de la région comme les Kur­des, les Arabes, les Assyriens et les Arméniens.

* Dr Necla Açık est un chercheur invité au Cen­tre du Régent d’é­tudes transna­tionales de Londres.Sa recherche porte sur la dif­férence sex­uelle et le nation­al­isme au Kurdistan.

* Crédit pho­to: Thorsten Strasas / Demotix.

* Cette arti­cle est ini­tiale­ment paru sur le site de openDemocracy

Source Bianet — Kobané : the Strug­gle of Kur­dish Women Against Islam­ic State — 12 Nov 2014

Tra­duc­tion par Kedistan

 

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