L’or­gan­i­sa­tion non gou­verne­men­tale “l’in­té­gra­tion européenne” et Arme­dia ont recueil­li des his­toires de sur­vivants dans le cadre du pro­jet “Le Turc qui m’a sauvé”.  Soutenu par le For­eign Office, ce pro­jet a pour objec­tif de faire racon­ter ces his­toires par des per­son­nes réelles et dont les ancêtres ont survécu au géno­cide sauvés grâce à l’aide de leur voisin turc, d’un ami ou d’un Turc ordi­naire, témoin des événe­ments. Les his­toires sélec­tion­nées seront pub­liés en arménien, turc, anglais, aus­si bien Arménie qu’en Turquie. Une par­tie de ces his­toires sera égale­ment pub­liée dans un livre.

Bianet a inter­rogé Aris Nal­cı sur ce pro­jet et ses derniers développements.

Com­ment est né le pro­jet “Le Turc qui m’a sauvé” ? Com­bi­en de per­son­nes ont-elles par­ticipé ? et par­mi elles quelles insti­tu­tions? Com­bi­en de temps a‑t-il duré ? Quelle est votre impli­ca­tion dans ce projet?

La par­tic­u­lar­ité de ces his­toires c’est qu’elles appar­ti­en­nent à des per­son­nes qui, directe­ment ou indi­recte­ment, ont échap­pé au géno­cide arménien grâce à l’aide de Turcs. Je suis le parte­naire de la Turquie dans ce pro­jet que j’ai rejoint il y a quelques mois. Je suis en charge de la dis­tri­b­u­tion des pub­li­ca­tions et des rela­tions avec les médias. Générale­ment, ce type de pro­jet est con­sid­éré comme de la pro­pa­gande. Cela nous oblige alors à choisir atten­tive­ment les deux con­teurs ain­si que l’équipe autour de ce pro­jet. 50 his­toires ont été recueil­lies et une douzaine de mem­bres d’ONG et de médias a tra­vail­lé sur ce projet.

Com­ment avez-vous trou­vé les con­teurs?C’est grâce à des ate­liers d’his­toire orale par le biais de l’ONG « l’in­té­gra­tion européenne » que ces his­toires ont été recueil­lies et les con­teurs ont été trou­vés par des jour­nal­istes, des col­lègues et des parte­naires sur le terrain

Vous réfléchissez à la mémoire de la troisième généra­tion de la péri­ode post-géno­cide. Com­ment lisez-vous leur approche?Les sou­venirs de la dias­po­ra dif­fèrent pour chaque généra­tion. La troisième généra­tion se trou­ve dans une posi­tion sig­ni­fica­tive ici. Ceux qui ont survécu au géno­cide ont lut­té pour gag­n­er leur vie dans les pays qu’ils ont fuis. Imag­inez un instant, vous ten­ter de con­stru­ire une nou­velle vie, de retrou­ver vos racines dans un pays dif­férent de celui où vous êtes né. Et qui plus est vous devez faire face à l’humiliation en rai­son de votre statut d’im­mi­grant. Au début la plu­part des Arméniens a tra­vail­lé à bas coût. La deux­ième généra­tion a appris la langue du pays d’ac­cueil et obtenu des diplômes. Cepen­dant, la ques­tion de l’adaptation restait entière. La troisième généra­tion appar­tient main­tenant au pays d’accueil. Elle est dev­enue une dias­po­ra, c’est aus­si vrai pour l’Arménie.Après la dis­so­lu­tion de l’Ar­ménie en URSS, les efforts d’his­toire orale ont été mul­ti­pliés. Il y a beau­coup d’his­toires racon­tées par les grands-mères et grands-pères. Ils ont trans­mis ces his­toires à leurs petits-enfants car leurs enfants étaient trop occupés à con­stru­ire leur vie de famille. Par con­séquent, ce pro­jet vise à met­tre ces his­toires orales en mots.

Quel sera le rôle de ce pro­jet sur le 100 e anniver­saire du géno­cide ? Tout d’abord, nous avons besoin de pro­duire un réc­it clair. Si ce pro­jet n’était pas coor­don­né par une asso­ci­a­tion Arméni­enne per­son­ne ne le trou­verait fiable y com­pris moi. La plu­part des gens dis­ent que c’est un instru­ment de pro­pa­gande con­tre la Turquie. Mais ces his­toires par­lent réelle­ment com­ment des hommes et des femmes ont survécu au géno­cide sans pour autant dia­bolis­er les Turcs. C’est une façon pour les Arméniens de dire qu’ils n’ont pas de préjugés con­tre une autre iden­tité eth­nique que la leur et aus­si d’ex­primer leur cha­grin. Je pense que ceux qui ont per­pétré ce géno­cide ou qui sont restés spec­ta­teurs vivent autant un trau­ma­tisme que ceux qui ont souf­fert du géno­cide. Ce trau­ma­tisme a affec­té pro­fondé­ment les peu­ples de cette terre et il nous fau­dra plus de cent ans pour en guérir.

Nous allons bien­tôt voir de nom­breux pro­jets sim­i­laires éclorent dans d’autres pays.Les gens ont survécu au géno­cide mais ils le vivent toujours.Il y a encore des Arméniens dans ce monde. Mais nous devons garder à l’e­sprit qu’il ne s’agit pas de la pro­pa­gande mais d’initiatives humanitaires.Le géno­cide arménien est non seule­ment une ques­tion douloureuse pour les Arméniens mais aus­si pour tous les peu­ples qui ont été vic­times de géno­cide dans le siè­cle passé.

Par con­séquent, la recon­nais­sance du géno­cide et la fin de ce déni de 100 ans ne repose pas seule­ment sur les iden­tités eth­niques. Ce n’est pas seule­ment une his­toire entre Turcs et Arméniens. Elle appar­tient au monde qui doit faire face à cette question …

Source Bianet — “THE TURK WHO SAVED ME” PROJECT Sto­ry Project Aims to Face the Geno­cide With­out Prej­u­dice, 27 oct. 2014

Tra­duc­tion par Kedistan

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